Dans les années 1960, le terme de politique scientifique est
utilisé par l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) pour désigner "...les
mesures coordonnées que devraient prendre les gouvernements pour
promouvoir le développement de la recherche scientifique et guider
l'exploitation des résultats de la recherche dans le but de faire
progresser la croissance et le bien-être économiques du pays"
(1) Politique de la science, ces termes qui fleurent les trente
glorieuses rappellent le développement de l'énergie atomique, les
débuts de la conquête spatiale et l'essor de la biologie
moléculaire. Mais n'évoquent-ils pas la réalité plus
ancienne des relations entre la science et la société? A cette
question posée lors d'un colloque organisé pour le cinquantenaire du
CNRS en 1989, Charles Gillispie, un historien de l'université
Princeton spécialiste du siècle des Lumières, répondait en évoquant le
double
qualification du mot 'politique' en anglais : 'science politics'
renvoyant à l'auto-organisation d'une communauté savante mue par
l'avancée des connaissances, 'science policy' à l'action d'agents exterieurs
au monde savant, soucieux d'orienter la recherche à des fins
utilitaires (2).
Caisses des sciences et instituts scientifiques
Que son financement soit d'origine public ou privé, les premières
initiatives pour organiser la
recherche ont été confiées la communauté scientifique elle-même. Celles-ci ont essentiellement revétu
deux formes, celle de 'caisses des sciences' essentiellement dévolues
au soutien de la
recherche fondamentale et celle
d''instituts' dédiés à ses applications. Ainsi, la
vocation
d'une caisse des sciences est de soutenir des travaux expérimentaux ou
théoriques en vue d'acquérir de nouvelles connaissances indépendamment
de tout utilitarisme, en
fournissant des bourses à des chercheurs œuvrant dans des laboratoires
universitaires, d'où le terme de 'recherche académique'. En
France, telle était la
vocation d'une 'Caisse nationale de la recherche scientifique', en
Allemagne de la 'Deutsche Forschungsgemeinschaft' (DFG), en Amérique
celle de grandes fondations comme la Rockefeller. De son côté,
l'organisation d'un institut repose sur l'initiative de scientifiques
soucieux d'assurer le développement des applications suscitées par les
recherches qu'ils ont menées. Confère l'exemple de Louis Pasteur,
le père de la microbiologie qui crée l'institut
éponyme grâce à une souscription publique afin de développer la
vaccination. Pasteur considèrait comme vaine la distinction faite entre
ces deux formes de recherche et l'on connait son célèbre aphorisme
: "il n'y
a pas de recherche fondamentale et de recherche appliquée. Il n'y
a que la science et les applications de la science, reliées l'une à
l'autre comme un arbre à ses fruits". Ainsi, relève t-on qu'au début du
XX°ciècle, cet organisme a pu servir de modèle à des réalisations
étrangères, en Amérique au 'Rockefeller Institute for medical research'
ou au 'Kaiser Wilhelm Institute für Krankenheiten' en Allemagne (3).
En France, malgré le précédent pasteurien, la distinction opérée entre l'acquisition des connaissances et
la recherche de leurs applications est restée suffisamment prégnante dans le monde savant, pratiquement jusqu'aujourd'hui!, pour justifier l'organisation du dispositif de la recherche publique.
Outre son éloignement des préoccupations de l'industrie, l'une des
raisons est à rechercher dans la différence entre un monde anglo-saxon
ou germanique dans
lequel dès le XIXème siècle l'université est apparue comme le berceau
naturel
de la recherche fondamentale et la France où l'université impériale fondée par Napoléon a
davantage été conçue pour délivrer des certificats de compétence
professionnelle, en médecine par exemple, que pour abriter la recherche
de laboratoire (4). Fondée sur une conception philosophique de l'activité scientifique profondément ancrée dans la communauté savante, 'honneur de l'esprit humain' disait le normalien Jean Perrin l'un des fondateurs du
CNRS, la recherche a d'abord pris son
essor au sein de nobles institutions comme l'Ecole normale
supérieure, le Collège de France ou l'Ecole pratique des haute études, en principe éloignées des préoccupations marcantiles de l'industrie.
Les demandes de l'Etat et de l'industrie
Une politique scientifique répond évidemment au souci d'organiser
la
recherche à des fins utilitaires, une préoccupation initialement liée
au
développement de l'industrie, particulièrement dans les pays
anglo-saxons et en Allemagne. Dans son ouvrage 'The theory of Economic
Development', l'économiste Joseph Schumpeter explique comment
l'innovation constitue le moteur d'une économie
capitaliste, ce dont il prend pour exemple la deuxième révolution
industrielle à la fin du XIX° siècle, celle de la chimie et de
l'électricité, laquelle a d'ailleurs moins concerné la France que l'Allemagne
ou les Etats-Unis. L'avancée
des connaissances (scientific push) étant à l'origine de procédés
techniques qui suscitent en retour de nouvelles avancées scientifiques
(demand pull), il cite le cas de Thomas Edison, le
prolifique inventeur des premières applications industrielles de
l'électricité, à l'origine de la firme 'General
Electric C°' dont un patron, Irving Langmuir, sera d'ailleurs nobélisé.
De même en Allemagne,
l'essor de l'industrie
chimique a reposé sur des recherches menées dans les laboratoires des
firmes Bayer ou I.G. Farben (5).
Quant
à l'Etat, outre le souci récurrent d'accroitre ses capacités militaires
grâce aux progrès de l'artillerie et de la navigation,
il s'est largement impliqué dans la mise en
œuvre de politiques scientifiques au cours grands conflits qui
ont émaillé le XX° siècle où les nécessités de la mobilisation
scientifique ont suscité la création d'organismes
spécifiques. Pendant la Grande Guerre, en France un 'Service des
inventions' permet à Paul Langevin de mettre au point la détection par
ultra-sons ou au général Gustave Férrié de développer la TSF (6). A la veille de la Seconde
Guerre mondiale,
la création du CNRS s'inscrit dans cette logique de
mobilisation scientifique, tandis que dans l'Amérique en guerre, un
'Office of
scientific and
research development' supervise le programme Manhattan ou
la fabrication de la pénicilline pour devenir, une fois la paix revenue, la
'National Science Foundation' (NSF).
Dans la même logique,
l'année 1959
voit en France la création d'une Délégation générale à la recherche
scientifique et
technique (DGRST) dans un contexte de guerre froide, mais qui s'inscrit
aussi dans un pays de forte tradition de dirigisme économique (7). Dans ce cas, le financement de la recherche peut devenir l'objet de choix politiques soulignait Pierre Aigrain lors du cinquantenaire du CNRS. "Quand peut-on parler
de politique de la science? demande celui qui en fut responsable au tournant des années 1970. Je ferais une simple remarque. A partir du
moment où il y a un bailleur de fonds - et jusqu'à nouvel ordre, il
s'est révélé extrêmement difficile de faire de la recherche sans argent
-, il y a toujours quelqu'un qui sera amené à en assurer le
financement. Donc, s'il y a une politique de la science, il y a
nécessairement des critères selon lesquels les gens chargés du
financement de la recherche - soit des mécènes, mais plus fréquemment
les contribuables - seront amenées à juger de l'utilisation de leur
argent"
(8) Notons que le financement de la recherche fondamentale s'opère
plus facilement au niveau international que dans le cas des
applications. Ainsi, dans les années 1950, la
participation de la France au
'Centre Européen de recherche nucléaire' procèdait du souci
d'assurer le financement des
grands accélérateurs de particule, mais l''Euratom' lancé à
l'initiative de la Communauté européenne, tandis que quelques années plus tard, la valorisation de la recherche se
heurtait aux réticences de notre pays à partager son savoir faire dans
les utilisations civiles
et militaires de l'énergie atomique.
Quels que soient ses mobiles, une politique de la science se situe au
cœur
des relations entre la science et la société. C'est ce que l'on voudrait évoquer
ici en suivant les
trois phases qui caractérisent le cas de la France. Une première
période de 1939 à 1959 voit la création et l'essor du Centre national de la recherche scientifique en confiant son pilotage à la communauté
scientifique.
Mais cette disposition qui
consistait à marier une caisse des
sciences avec un opérateur de recherche, autrement dit un CNRS et un
CNRSAppliqué, ayant montré ses limites, les
décennies suivantes voient l'Etat faire le choix d'une politique
volontariste confiée à une nouvelle administration (la DGRST) censée
soutenir la croissance économique dans un contexte
d'indépendance nationale. Enfin, au tournant du
troisième millénaire lorsque s'ouvre l'ère des technosciences, les
pouvoirs publics sont conduits à s'interroger sur la pertinence d'une
politique scientifique désormais inscrite dans un espace mondialisé
envahi par
la technologie. Le CNRS cède alors à l''Agence nationale de la
recherche' chargée de contractualiser l'activité scientifique
dans le cadre de rapprochements publics - privés et d'initiatives
internationales.
Comment 'une' caisse des sciences devint 'le' CNRS
Dans l'entre-deux-guerres, la Troisième République radicale-socialiste et
franc-maçonne décide d'installer une 'Caisse nationale de la
recherche scientifique'. Le
mentor de l'opération, le physicien Jean Perrin (Nobel 1926), l'un
des fondateurs du CNRS, n'hésitait pas à exprimer la conviction que la science constituait le principal facteur du progrès
humain : «rapidement, peut être seulement dans quelques décades, si nous
consentons au léger sacrifice nécessaire (pour l'organiser), les hommes
libérés par la science vivront joyeux et sains, développés jusqu'aux
limites de ce que peut donner leur cerveau... ce sera un Eden qu'il
faut situer dans l'avenir au lieu de l'imaginer dans un passé qui fut
misérable.../ Tout le problème de l'organisation scientifique consiste
à trouver les jeunes esprits qui pourront devenir 'Ampère' ou
'Pasteur', poursuit Perrin. Le hasard n'y peut suffire et il faut y
aider comme un bon jardinier qui sait reconnaître et protéger, dans des
champs d'herbes folles, les jeunes plantes qui deviendront des arbres
puissants...»
[9]. 'La' CNRS regroupe ainsi plusieurs sources de financement installées
depuis le début du siècle (caisse de la recherche scientifique, taxe
Borel, etc.) en vue de fournir des bourses à des jeunes chercheurs.
Elle est placée sous la tutelle de l'Education nationale, le directeur
des Enseignements supérieurs ayant tenu à préciser que : «...quel que soit son effort, l'Etat ne croit pas devoir intervenir pour
imposer un programme ou des directives précises. L'orientation de la
recherche, c'est aux savants qu'il appartient de la faire. Ce principe
de liberté est à la base de l'organisation de la recherche scientifique
en France» (10)
Cependant, la Cour des Comptes suggère de rationnaliser les modes de
financement des divers organismes scientifiques qui cohabitent en France. Lors du débat budgétaire de décembre 1936 à l'occasion
duquel il utilise pour la première fois le terme de 'politique de la
science', le ministre de l'Education nationale, Jean Zay, décide
l'installation d'un organisme centralisé dont il confie la direction au physiologiste Henri Laugier. Sa mission est de coordonner
l'ensemble de la recherche publique et d'installer de
nouveaux laboratoires, par exemple en astrophysique une discipline en plein essor. C'est ainsi qu'en octobre
1939, le 'Centre
national de la recherche scientifique' fusionne 'la' Caisse nationale
de
la recherche
scientifique avec le CNRSA issu d'un 'Office national de la recherche scientifique et
des inventions' (ONRSI) installé à Meudon-Bellevue au lendemain de la
Grande Guerre. Dirigé par le physicien Henri Longchambon,
le CNRS (appliqué) est chargé de
programmer la recherche dans un
contexte de mobilisation scientifique. Parmi quelques autres, un
exemple significatif de ce pilotage de la recherche est le lancement du
programme atomique confié à Frédéric
Joliot, le chercheur
nobélisé avec son épouse Irène Curie en 1935 pour la découverte de la
radioactivité artificielle. Le CNRS installe à Ivry un Laboratoire de
synthèse atomique où Joliot et son équipe démontrent la possibilité
d'une réaction en
chaine provoquée par la fission de l'uranium. Durant l'hiver de la
drôle de guerre, ces travaux soutenu par le ministère de l'Armement
amorcent le
premier programme lancé dans le monde pour
domestiquer l'energie
atomique et fabriquer une bombe atomique, mais ils sont évidemment
suspendus par la défaite de 1940 qui voit le CNRS subir le contre coup
des événements (11). Au lendemain de l'armistice, le régime de Vichy envisage de supprimer cette
'créature du Front populaire' et destitue ses deux premiers directeurs.
Mais le géologue Charles Jacob qui les remplace obtient son maintien, justifié
par la nécessité de remédier aux pénuries de l'occupation, c'est-à-dire
de soutenir des recherches appliquées (erzats alimentaires, carburants
de substitutions, etc.). A la
Libération, Jacob à son tour cède la place à Joliot, tout
aussi convaincu que son prédécesseur de
l'intrication nécessaire de la recherche
fondamentale et des applications, même si ses accointances idéologiques
sont d'une autre nature. Joliot propose de détacher le CNRS de
l'Education
nationale pour le lier au
chef de gouvernement, seule instance
capable de mettre en oeuvre la mobilisation scientifique dont la
guerre vient de révéler l'importance. Mais il
se heurte au refus d'un monde universitaire, omniprésent dans son comité directeur,
soucieux de revenir au dispositif d'un 'CNRS caisse des sciences'
installé une dizaine d'années auparavant pour répondre aux
sollicitations de
la recherche académique (12).
La césure recherche fondamentale - recherches appliquées
En 1946, alors que Joliot quitte le CNRS pour participer à la création du Commissariat à
l'énergie atomique
(CEA), le
généticien Georges Teissier lui succède, un pur universitaire décide en effet de rendre au CNRS sa
vocation
initiale, c'est-à-dire au soutien à la science 'pure' et il fixe ce qui restera le
'vade me cum' de l'institution, pratiquement jusqu'à nos jours : «Un reproche souvent fait aux scientifiques français est d'avoir
résolument ignoré la science appliquée.
Mais il ne faudrait pas que, tombant d'un excès dans l'autre, on
sacrifie au bénéfice de la recherche technique, la recherche pure qui,
seule, prépare l'avenir.../ Il faut sans aucun doute développer la
recherche technique redoutablement déficiente chez nous, mais il ne
faut pas que son développement ait priorité sur celui de la recherche
scientifique. Il ne faut pas qu'une politique stupidement
utilitaire prétende discriminer parmi les disciplines scientifiques,
celles qui sont rentables et celles qui ne le sont pas. Il ne faut pas,
enfin, que le contrôle nécessaire de ces activités de recherche soit
abandonné aux financiers ou aux économistes». C'est ainsi que le Comité national du CNRS censé représenter l'ensemble de la communauté scientifique disposera de la haute main sur les crédits de la recherche académique (13).
Placé sous la
tutelle de
l'Education nationale, l'organisme s'est en outre révélé démuni face à
d'autres administrations disposant des moyens budgétaires nécessaires
au développement de leurs propres services de recherche. Ainsi,
poussées par les contraintes de l'occupation puis par l'élan de la
reconstruction, les
années 1940 voient l'installation de nouveaux organismes, presque tous restés actifs jusqu'à aujourd'hui, l'INH, le
CNET, l'INRA, etc. parmi lesquels le Commissariat à l'energie
atomique (CEA) directement rattaché au chef du gouvernement, le
Général
de Gaulle, selon le voeu de ses promoteurs.
Dès lors, la recherche fondamentale et les recherches
appliquées, la R&D (acronyme de
recherche et développement) sont appelées à suivre deux voies séparées.
Doté des ses débuts d'un budget équivalent à celui du CNRS, en relation
avec Electricité de France (EDF), une entreprise nationalisé qui vient de se doter d'une 'Direction
des études et recherches', le CEA est chargé de développer l'énergie électro-nucléaire avant de fabriquer une bombe atomique (14).
En 1954, le président du Conseil Pierre Mendès-France confie à Henri
Longchambon un secrétariat d'Etat qui intalle
un 'Conseil supérieur de la recherche scientifique
et du progrès
technique' censé coordonner la recherche publique dans une IVème
République, malheureusement handicapée par son instabilité
ministérielle et des moyens budgétaires obérés par les
crédits dévolus aux
guerres coloniales (15). Cependant la modernisation du pays s'amorçe de
manière significative ainsi qu'en temoignent dès le milieu des années
1950 l'industrie aéronautique avec la fabrication de la 'Caravelle' et
le lancement des premiers réacteurs nucléaires electrogènes par le CEA.
La recherche académique n'est pas en reste, en 1956 le colloque de Caen
réunit un
groupe de sommités scientifiques, le mathématicien André Lichnérowicz,
le pasteurien Jacques Monod qui avec, ses collègues André Lwoff et
François Jacob réalise des travaux de génétique bactérienne à la source
d'une nouvelle discipline, la biologie moléculaire. On y discute d'un
plan de modernisation
de l'université, mais avec une représentation a minima du CNRS ou de l'INH qui semblent curieusement éloignés de cette entreprise. En
fait, sous la houlette de Robert Debré et de son cadet
Jean
Dausset, la principale retombée du colloque de Caen concernera la faculté de
médecine pour aboutir en 1958 à
la réforme hospitalo-universitaire, inspirée par
celle menée aux Etats-Unis un demi-siècle plus tôt en vue d'assurer la
trilogie 'soins-enseignement-recherche' indispensable au progrès médical
(16)
Le pilotage par l'aval
"Dans l'histoire de la
recherche scientifique en France écrit Antoine Prost l'avènement de la V° République est
un moment charniè̀re où s'infléchit pour une dizaine d'années la
politique gouvernementale.
La recherche scientifique se voit reconnaître une importance majeure
dans le progrès économique et social du pays. Bien plus, aux yeux du
Général de Gaulle, elle est indispensable à l'indépendance et à la
grandeur nationales. Il ne suffit donc pas de lui accorder des moyens
humains et matériels massivement accrus, elle doit faire l'objet d'une
action publique volontaire, délibérée et méthodique. C'est une
véritable politique de la recherche scientifique et technique qui
apparaît alors"(17).
Convaincu que la place
d'une nation dans le monde se mesure à l'aune de ses capacités de
développement, le Général de Gaulle a réuni un Comité interministériel
de
la recherche scientifique (Comité des Sages) pour lui confier le soin
de piloter l'ensemble de la recherche publique. Il
réunit un certain
nombre de responsable des réformes amorcées sous la république
précédente. Pierre
Aigrain et Maurice Ponte de la société CSF, le pr. Jean Bernard de
l'hôpital
Saint-Louis, Raymond Latarjet de l'Institut du radium, le mathématicien André Lichnérowicz
du Collège de France ou
Pierre Taranger, le directeur industriel du CEA (18). Le lien est assuré avec le Commissariat au Plan, issu de l'EDF, Pierre
Massé nommé par le général de Gaulle pour promouvoir "...l'ardente obligation de
poursuivre les grandes tâches nationales qui dépassent les destins
individuels.../ [I.e.] assurer le doublement des crédits de
recherche scientifique et technique et la modernisation de
notre armement" (19).
Le souci d''indépendance nationale repose sur le
développement d'un 'complexe militaro-industriel', un terme précédemment utilisé en Amérique par
le président Eisenhower dans le contexte de la
guerre froide. En France, une Délégation générale pour
l'armement (DGA) installée en 1961 est chargée de développer les
fonctions d'ingéniérie dans les arsenaux et de soutenir des
recherches dans les laboratoires du
CNRS et autres. Au centre de ce complexe ,
sous la direction de Pierre Guillaumat, le CEA lance la construction de
l'usine d'enrichissement d'uranium de Pierrelatte et sa
Direction des applications militaires (DAM) est chargée de mettre au
point la bombe H et la propulsion des
sous-marins atomiques. Le développement des dispositifs techniques
nécessaires (électronique, automatismes, etc.) est effectué dans les
laboratoires du Commissariat, comme le 'Laboratoire d’électronique
de technologie de l’information' (LETI) installé au Centre d'études nucléaires
de Grenoble (CEN-G). L'industrie spatiale
a bénéficié de la sollicitude de la V° République pour les mêmes raisons stratégiques,
mais avec, à terme, une diversification internationale. Rattachés
directement au ministre chargé de la recherche, le Centre
national
d'études spatiales (CNES) est créé en 1961 avec l'objectif de
réaliser un lanceur extra-atmosphérique, donc un missile
balistique inter continental. Après quelques mécomptes dus aux
défaillances d'une fusée britannique, la réussite de Diamant et du satellite Asterix
conduira le CNES à participer à la fondation de l'Agence spatiale
européenne (ESA) dont sont issues la fusée Ariane
et la base de lancement de Kourou en Guyane. La lancement de ce
programme spatial, puis le développement du dispositif de
recherche-développement afférant, représente ainsi la réussite majeure
d'une politique de recherche européenne. Dans la même logique, le 'Centre national pour
l'exploitation des océans' (CNEXO, aujourd'hui 'Ifremer') est créé en
1967 en vue de coordonner l'activité des laboratoires océanographiques
et autres activités halieutiques.
![](images/HPS2.jpg)
(Source : Notes et Etudes doc. 1961, La Documentation française)
Réuni dès les débuts de la V° République, le Comité des Sages devenu par la suite Comité
consultatif de la recherche scientifique et technique (CCRST) est
épaulé par une Délégation générale à la recherche scientifique et
technique (DGRST) chargée d'assurer le pouvoir executif de la nouvelle
administration. En
concertation avec le Commissariat au plan, ce dispositif est chargé de
gérer l''Enveloppe-recherche', c'est-à-dire l'ensemble des crédits
destinés aux différents ministères, soit un budget d'un peu plus de 400
MF de francs courants entre 1961 et 1965, ventilé comme suit :
![](images/HPS3.jpg)
(Ibidem)
Cette présentation du budget civil de la recherche (BCRD) appelle quelques commentaires. On note que les sciences de la vie,
recherche médicale incluse, représentent près du tiers de
l'envoloppe recherche, tandis que dans l'histogramme consacré aux sciences
physiques et chimiques relève la présence de domaines relevant davantage de la valorisation de la recherche (électronique et
calculateurs, conversion de l'énergie,...) que de la recherche
fondamentale. Dotée
d'un budget spécifique (le Fond recherche), la DGRST lance aussi des
'actions concertées' censées soutenir des domaines où les Sages estiment que la
recherche française pâtit d'un certain retard. De manière significative, sur les dix premières
actions
lancées au début des années 1960 (20),
la
moitié concernent le secteur des sciences de la vie, notamment celle de
biologie moléculaire confiée au pasteurien Jacques Monod. Une réussite
exemplaire à plusieurs titres, outre l'introduction de la nouvelle
discipline dans le milieu scientifiquement conservateurs des sciences
naturelles à l'université et au Museum, dans le prolongement de la
réforme hospitalo-universitaire, en 1964 elle suscite la
transformation de l'INH en 'Institut national
de la santé et de la recherche médicale' (Inserm) où des 'actions
thématiques programmées' inspirées de la DGRST amorce le
développement d'une médecine moléculaire qui étend son hégémonie
sur les sciences de la vie (21).
Pourtant, cette politique scientifique volontariste a rencontré quelques
mécomptes. En 1964, Gaston Palewski le ministre délégué à la
recherche annonce le lancement d'un 'Plan Calcul' afin de doter le pays
d'une industrie informatique. L'installation d'un 'Institut
de recherche en informatique et automatique' (I.R.I.A.). suscite en
relation avec le CEA, la création d'une 'Compagnie
internationale pour l'informatique' (CII) et à la fabrication d'un
ordinateur de conception nationale ('Iris 80'). Mais ayant davantage
misé sur le développement de calculateurs (hardware) plutot que sur les programmes informatiques (software),
le plan subit d'important retards
qui obligent les utilisateurs d'informatique lourde à recourir aux
produits de l'américain IBM, avant d'aboutir à la fusion CII -
Honeywell Bull. Devenu institut national, dans les années
1970, l'INRIA participe avec le Centre national des télécoms
(CNET) au développement de la télématique, lancement de C.I.T.-Alcatel avec le Minitel qui repose
sur la connexion de terminaux d'ordinateurs via le réseau
téléphonique (22). Si le colbertisme scientifique a réussi à doter le
pays du
dispositif de R&D nécessaire à sa
modernisation, il convient d'y inclure le rôle des grandes
entreprises
publiques, celui d'EDF pour le développement de l'énergie
électro-nucléaire ou de la SNCF avec le TGV (23), voire d'Aérospatiale
(ex-Sud
Aviation) dans le succès d'Airbus. Cette 'stratégie de l'arsenal' menée
avec succès au profit des
grands systèmes techniques et du complexe militaro-industriel, a
été analysée par Jean-Jacques Salomon qui en a néanmoins tracé
certaines
limites économiques. Ainsi, la sophistication
de l'ingéniérie d'EDF ou de la SNCF et sa contre-partie en
terme de coûts ont rendu problématique l'exportation des
centrales nucléaires ou du TGV qui nécessite pour
donner toute sa mesure d'importants travaux de Génie civil. De même, en
matière
de communications le sevoir faire des ingénieurs des télécoms qui a
permis le développement du minitel n'a pas suscité dans notre pays la fabrication de produits micro-informatiques de grande consommation (24)
Le paradoxe des EPST
Comment le CNRS s'est-il adapté au contexte dirigiste
initié par la V° République? Malgré son incapacité à la
programmation scientifique telle qu'elle a été évoquée plus haut, mais
défendu par l'Education nationale soucieuse d'en garder la tutelle,
l'organisme a bénéficié de la hausse de dotations
budgétaires inscrites dans l'enveloppe-recherche. Un train de réformes
lancé en
1966 aboutit au lancement du dispositif des laboratoires associés, puis des équipes de recherche associées, en confirmant
les liens du CNRS avec la recherche universitaire. En
revanche la création en son sein de départements scientifiques
(physique, chimie, astro-géophysique, sciences de la vie, sciences
humaines et sociales) censés améliorer ses capacités de pilotage ont
exacerbé les relations entre sa direction et son Comité national où les représentant des chercheurs restent
les défenseurs intransigeants de la liberté de la recherche, d'où les
difficultés rencontrées dans les années 1970 lors du
lancement des 'actions thématiques programmées' (ATP) ou de 'programmes interdisciplinaires de recherche' (PIR) (25).
En 1981, l'élection du président Mitterrand avec l'arrivée de la Gauche
aux affaires s'inscrit, au moins dans un premier temps, dans l'esprit
du Front populaire qui avait installé le CNRS un demi-siècle
auparavant. En même temps se révèle un curieux paradoxe. Alors que
Jean-Pierre Chevènement se voit confier un nouveau Ministère de
la Recherche et de la Technologie
(MRT) censé rapporcher ces deux pans de l'activité scientifique en
assurant la tutelle du CNRS et de l'Inserm (restés jusque-là sous
celles de l'Education nationale et de la Santé), un chercheur de
l'Inserm, Philippe Lazar, est chargé d'organiser des assises de la
recherche au cours desquelles
le 'Syndicat national de la recherche scientifique' (SNCS) dénonce son pilotage par l'aval après avoir obtenu la démission des
directeurs du CNRS et de l'Inserm, coupables de s'être soumis dans les années 1970 : "...aux
objectifs du gouvernement Giscard-Barre, c'est-à-dire aux intérêts des
grands trusts privés et aux impératifs idéologiques du conservatisme"
(26). En conséquence, les
assises débouchent sur une loi
d'orientation qui établit le statut
d'établissements publics scientifiques et
techniques (EPST, 1982) en l'accompagnant d'une fonctionnarisation des
chercheurs, une mesure censée préserver leur activité des pressions du monde
économique.
Mais il apparait bientôt que le refus de programmer la
recherche au nom de son indispensable liberté n'a guère
favorisé les
capacités des EPST à suivre les
évolutions de la conjoncture
scientifique, suscitant en retour l'apparition de nouveaux organismes. Lorsque éclate l'épidémie de sida, Philippe
Lazar qui vient d'être nommé à la tête de l'Inserm où il a supprimé le
dispositif des 'actions thématiques programmées', décide de suivre
l'avis de son comité de direction (CODIS) qui estime que l'épidémie
relève plus d'un problème de santé publique que de la recherche
médicale. Malgré la réunion d'un
comité interministériel à
l'initiative du ministère de la Santé en juillet 1982, voire des mises en garde de
certains cliniciens à propos du risque de contamination liés à la
transfusion
sanguine, l'Inserm rechigne à s'engager dans un programme de recherche
initié par
l'Institut Pasteur. Ce comportement dilatoire suscitera ainsi l'apparition de
nouveaux opérateurs, des
associations de malades dont l'activisme se révélera précieux lors de
la
mise au point des premières thérapeutiques, tandis qu'à la suite
de
l'affaire du sang contaminé, le ministère de la Recherche qui s'est
doté d'un mode d'intervention direct - les groupements d'intérêt public
(GIP) -
installe en 1988 une 'Agence nationale de la recherche
sur le sida' (ANRS) indépendante de l'Inserm, censée assurer
les liens nécessaires entre la recherche médicale, les hôpitaux universitaires et l'industrie
pharmaceutique (27).
De même, le décryptage du génome humain illustre un
autre paradoxe du fonctionnement des établissements publics. Alors qu'au pays de la libre entreprise le 'Human
Genome Program' (HGP) est une initiative de l'administration américaine (Dept.
of Energy), en France à la fin des années 1980, l'absence des EPST dans l'affaire suscite
l'initiative d'une fondation de droit
privé, le 'Centre d'étude du polymorphisme humain' (CEPH) et de
l''Association française de lutte contre les myopathies' (AFM). En
effet, outre ses réticences vis-à-vis de la recherche programmée, l'Inserm refuse de divertir une partie de son budget
vers une opération qui requiert
des moyens d'investigations lourds et rapproche la biologie de la 'big
science'. Confronté à la fin de non recevoir opposée aux
demandes des chercheurs et grâce aux moyens financiers que lui procure son Téléthon, l'AFM prend l'iniative de
regrouper
un ensemble de laboratoires au sein d'un 'Généthon' qui mènera à bien
la cartographie du génome humain. Du côté du CNRS, à
l'instigation du ministère de la Recherche, un GIP 'Groupement
de recherche pour l'étude des génomes' (GREG) est installé sur le
campus de Gif s/Yvette. Confié à Piotr Slonimski en 1992, un
généticien ouvertement hostile à toute forme de recherches appliquées (28), le
GREG
délaisse sciemment le génome humain et ses usages en médecine
pour s'intéresser au séquençage des bactéries et à la bioinformatique. Moyennant quoi,
en concertation avec
l'AFM-Généthon, le
ministère de la Recherche finit par lui substituer le Génopole d'Evry, un GIP
conçu par Pierre Tambourin comme un incubateur de 'startups' biotechnologiques (29).
Technosciences et organisation de la recherche dans un espace mondialisé
N
anosciences, biotechnologies, informatique, communications-neurosciences,
au
tournant du troisième millénaire les
'NBIC' ont fait entrer le monde dans l'ère des
technosciences, suscitant l'essor d'une économie de l'innovation ainsi qu'une vague de publications sociologiques censés
analyser les nouveaux rapports de plus en plus étroits tressés entre la science
et la société (30). "il est peu de découvertes scientifiques qui ne se
monnaient aujourd’hui
presque aussitôt en spectaculaires retombées technologiques,
peu de découvertes scientifiques qui n’empruntent à une technologie
leurs conditions mêmes de possibilité. L’opposition grecque entre
une épistémè contemplative, désintéressée et
une technè utilitaire, active, débrouillarde et pratique ne nous parle
plus; seule la nature de cette liaison pose aujourd'hui problème" écrit le philosophe Jean-Pierre Séris, faisant allusion au mouvement écologique. Deux principes se trouvent désormais au centre
de l'activité scientifique : l'opérativité et la circularité qui
réduisent de facto la distinction opérée entre la recherche fondamentale et ses
applications. "La science ne se contente plus
d'observer le réel, elle l'utilise, le modifie, l'enrichit (nouveaux matériaux, biologie de synthèse,...) et la technique produit
des outils qui permettent de savoir plus et mieux
(informatique
et big data)" (31). Or, comme le soulignait déjà Louis Pasteur avant
d'installer l'institut éponyme (cf. supra), si une logique
intrinsèque explique l'avancée des
connaissances, les choix d'orientations scientifiques qu'ils soient de
nature endogène ou externes apparaissent moins déterminants que
l'organisation du dispositif censé les guider. Alors
que se multiplie le nombre d'opérateurs issus du privé dans le domaine
techno-scientifique (multinationales, 'startups', voire associations
d'usagers), le
fonctionnement des établissements publics est mis sur la
sellette par les audits de la Cour des Comptes. En
2004 l'Académie des Sciences fustige à son tour : "la caducité des dispositions d'un emploi fonctionnarisé (et)
la
confusion généralisée des rôles entre les opérateurs et les agences de
moyens" (32), autrement dit, elle stigmatise le fonctionnement d'un CNRS où la revendication de liberté de la
recherche ressemble désormais davantage à
la défense d'intérêts corporatistes que répondre à la réalité de l'activité scientifique.
Au ministère de tutelle, inspiré par
les
modes de fonctionnement du CEA dont il prendra bientôt la tête, Bernard
Bigot la directeur
de la recherche et de la technologie prépare une nouvelle
loi d'orientation destinée à prendre le contre-pied de celle de 1982. En effet, poussé dès sa naissance par le besoin de
disposer
de l'appareillage nécessaire au développement de l'industrie nucléaire,
en réussissant à intégrer une recherche
fondamentale de qualité avec
les multiples développements technologiques ainsi suscités, le
CEA s'est progressivement doté des compétences en matière de R&D
étendues à des domaines comme l'informatique ou la biologie (33). Au
tournant des années 1990, la
remise en cause de ses missions initiales, l'aboutissement des
programmes militaires et le transfert des compétences
électro-nucléaires à EDF et Areva, a permis à André Syrota
de développer
ces capacités d'intégration au profit du département des sciences du vivant (DSV) qu'il
dirige. En matière de 'NBIC', un exemple significatif de valorisation au profit de la recherche fondamentale concerne la mise au
point d'un test de
dépistage des prions à l''Institut de biologie et de technologies' de
Saclay, dont les 70 M€ de redevance permettent d'installer
'Neurospin' où l'on développe l'imagerie fonctionnelle à usage des neurosciences.
Inscrite dans la nouvelle loi d'orientation, en 2005 l'Agence nationale
de la recherche (ANR) est mise en place au ministère de la Recherche
par Gilles Bloch,
un ancien responsable du DSV-CEA (34).
Le maitre mot de la nouvelle agence est la contractualisation de la
recherche. Il lui revient d'assurer la disposition des crédits de
programmations destinés aux EPST (CNRS, Inserm et autres) qui se
trouvent ainsi
dépossédés d'une part de leurs prérogatives. Il s'agit de les
inciter à développer des coopérations inter-organismes, tout en
"ciblant les efforts sur des priorités économiques et sociétales
définies par
l'Etat " (35).
A cette fin,
André Syrota nommé à la direction de l'Inserm, crée avec
son adjoint Thierry Damerval
(un autre ancien du CEA) l'Alliance pour
les sciences du vivant et de la santé' (AVIESAN)
chargée de coordonner
les activités du CEA, de l'Inserm, du CNRS, de l'Institut
Pasteur, de l'INRA, de l'Assistance publique (AP-HP) et de l'industrie
pharmaceutique dans la perspective de programmes de recherche
interdisciplinaires. L'autre mission dévolue à l'ANR consiste à
intensifier
les liens entre la recherche publique et le secteur privé, notamment à
destination des petites et moyennes entreprises, comme cela est préconisé dans un rapport du PDG de Saint-Gobin (J-L. Beffa),
autrement dit à valoriser la recherche dans un secteur défavorisé en
France,
contrairement à l'Allemagne (35). Quant à l'évaluation scientifique qui
s'applique désormais à des unités de recherche ou à des institutions et non
plus à l'activité
de chercheurs individuels comme dans les EPST (cf. note 13), globalement inscrite dans des critères incontournables de comparaisons
internationales (Thomson Reuters, ARWU ShanghaÏ), elle est confiée à un
'Haut Conseil
de
l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur' (HCERES).
En revanche, les efforts récurrents pour
rapprocher la recherche et l'enseignement supérieur au sein d'une même
organisation se heurtent aux réticences des intéressés.
En 2015, le projet de Communautés d'universités et d'établissements (COMUE) cherche à
réduire le dualisme évoqué en liminaires entre les universités et les
grandes écoles. Le projet d'une 'integrated research
intensive university' Paris-Saclay est censé réunir les université d'Orsay, de Saint-Quentin en Yvelines et d'Evry, avec les grandes
écoles, Polytechnique,
Centrale, Supélec, HEC, le CEA et les EPST. Mais les écoles
d'ingénieurs renâclent à se lier à un monde universitaire en voie de
massification et largement privé de capacités de
sélection (36). Tandis que la COMUE Paris-Saclay semble devoir se limiter à
la réunion des
trois universités concernées avec
l'ENS-Cachan, une alliance des grandes écoles se
constitue en dehors du comité dans le sillage de l'Ecole polytechnique
qui a lancé le mouvement (37). Les difficultés rencontrées par la
communauté Paris-Saclay ne sont pas uniques et la généralisation d'un
dispositif qui semble pourtant
avoir porté ses fruits dans le secteur bio-médical en rapprochant
l'enseignement supérieur de la recherche (38),
pourrait être ailleurs l'une des pierres d'achoppement de cette réorganisation.
Notes
(1) Grove J. W., 'Politique scientifique', Encyclopédie canadienne,
2006
<www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/politique-scientifique/>
(2) Papon P, Gillispie C, Aux origines du CNRS, Cahiers pour l'histoire du CNRS, 6-1989
(3) Caisses et instituts impliquent des formes de gouvernance
spécifiques.
Dans
le cas d'une caisse des sciences, le pouvoir est parfois confié à une
représentation étendue de la communauté scientifique, comme ce sera le
cas
du Comité national au CNRS. Dans
celui d'un institut ou d'une fondation, il est plus fréquement dévolu
à une direction collective, directoire ou conseil
d'administration comme le 'Board' de la fondation Rockefeller. Picard J-F, 'La Fondation Rockefeller et la recherche médicale', Paris, PUF 1999
(4) Prost A., 'Histoire de l'enseignement en France', Paris, A. Colin, 1968.
(5) Schumpeter J., 'The theory of Economic Development', Harvard U. Press,
1934. Voir aussi Caron F., 'Le résistible déclin des sociétés
industrielles', Paris, Perrin, 1985 (réed. 1993)
(6) Breton, J-L, 'Les inventions réalisées pour la Défense nationale', La Science et la Vie, 48-50, Déc. 1919, Janv. 1920
(7) Kuisel, Richard F., 'Le capitalisme et l'État en France ; modernisation et dirigisme au XXe siècle' , Paris, Gallimard, 1984
(8) Aigrain P., Paul H., 'Le CNRS moyen d'une politique de la science', Cahiers pour l'histoire du CNRS, 6-1989
(9) Perrin J., 'La recherche scientifique', Paris, Hermann, 1933
(10) Cavalier J. directeur de l'Enseignement supérieur, note au ministre
de l'Education nationale, janv. 1935 (Arch. CNRS, AN 80284 - 1)
(11) Nahmias,
M-E., 'Vers l'utilisation de l'énergie atomique : la rupture explosive
du noyau d'uranium', La Science et la Vie, 273, mars 1940
(12) Joliot F, réunion du comité de direction du CNRS, 18 sept. 1944
(arch. CNRS, AN 80284 - 205). A
la Libération, Joliot a mobilisé le CNRS en envoyant une mission de
récupération de matériel scientifique en Allemagne et en installant à
l'instigation du pasteurien Louis Rapkine un groupe de recherche
opérationnelle à Londres en vue de s'informer des avancées
scientifiques réalisées chez les Alliés, Picard J-F, 'La République des
Savants, le CNRS et la recherche française', Flammarion, 1990. Pour une biographie de Joliot, voir
Pinault M., 'Frédéric Joliot Curie', Paris, O. Jacob, 2000. Voir aussi Picard J-F, Pradoura E., 'La longue marche vers le CNRS (1901 - 1945), Cahiers pour l'histoire du CNRS, 1 - 1988.
(13) Teissier G., 'Une politique française de la science', conf.
à l'Union Française Universitaire, 21 juin 1946 (arch. CNRS, AN 80284). Voir aussi 'Histoire d'un parlement de la science. Le Comité national du CNRS' (Histcnrs, 2018)
(14) Dès sa seconde année d'activité, le budget du CEA égale celui du CNRS (1
et
1 MdF courant), ONERA (3MdF), min. Industrie
(4MdF). Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des
services
publics, Rapport sur la recherche scientifique et technique». Séance du
17 mars 1948. (AN F60 , 942). Voir aussi Picard J F Recherche et
Industrie. 'Témoignages sur quarante ans d'études et de recherches à
Electricité de France', Paris, Eyrolles ,1987
(15) Prost A, Les origines de la politique de la recherche en France,
1939 - 1958, Cahiers pour l'histoire du CNRS, 1-1988
(16) Colloque de Caen, 1-3 novembre 1956, 'Communication sur
l'organisation de la recherche médicale française' présentée par les
Pr. Robert Debré et René Fauvert et le Dr. Jean Dausset, voir aussi Les réformes de l'enseignement de la médecine à travers les
archives du Ministère de l'éducation nationale (1905-1970)
(17) Prost A, 'Les réformes du CNRS 1959 1966', Cahiers pour l'histoire du CNRS, 10-1990
(18) 'La V° République a choisi ses savants', S&V, 497, fev. 1959
(19) Massé P., 'Aléas et progrès. Entre Candide et Cassandre', Paris,
Economica, 1984. Voir aussi Duclert V et Chatriot A (eds.) 'Le
gouvernement de la recherche. Histoire d’un engagement politique, de
Pierre Mendès France au général de Gaulle (1953-1969)', Paris, La Découverte,
2006.
(20) Les dix premières actions concertées lancées en 1960 par la DGRST
: 'Conversion des énergies' (magnéto hydro dynamique), 'Biologie
moléculaire' (J Monod, G Mathé), 'Cancer et leucémie' (pr. J. Bernard),
'Applications de la génétique' (agronomie), 'Nutrition animale et
humaine', 'Fonctions et maladies du cerveau', 'Exploitation des océans'
(IFREMER devient CNEXO), 'Analyse démographique, économique et sociale'
(enquête de Plovezet du dr. Gessain), 'Science économique et problème
de développement', 'Documentation'
(21) De l'INH à l'Aviesan en passant par l'Inserm, l'organisation de la recherche médicale en France (HISTRECMED 10 - 2017)
(22) Beltran A., Griset P., 'Histoire d'un pionnier de l'informatique, 40 ans de recherche à l'Inria', Paris, EDP sciences, 2007
(23) Picard J-F, Beltran A. et Bungener M, (pref. de J.
Bouvier) 'Histoire(s) de l'EDF, comment se sont prises les décisions de
1946
à nos jours',
Paris, Dunod, 1984 et Picard J-F, Beltran A., 'D'où viens tu TGV?
Témoignages sur l'origine des
trains à grande vitesse français',
RGCF, h. s. 1994
(24) Salomon J. J., 'Le Gaulois, le Cow-boy et le
Samouraï. Réflexions sur la politique française de la technologie',
Paris, Economica, 1986. Voir aussi 'L'OCDE et les politiques
scientifiques, entretien avec Jean-Jacques Salomon' (M. Leroux et G.
Ramunni), La Revue pour l'histoire du CNRS, 3-2000.
(25) 'Histoire d'un parlement de la science. Le Comité national du CNRS' (Histcnrs, 2018)
(26) 'Un syndicat de chercheurs demande
la démission des directions de l'Inserm et du CNRS', Le Monde, 9 juil. 1981
(27) 'Le sida, autopsie d'une épidémie' (HISTRECMED., 7-2017)
(28) Voir le discours de Piotr Slonimski à l'occasion de la remise de sa médaille d'or du CNRS en octobre 1985
(29) 'Le programme génome humain et la médecine, une histoire française', (HISTRECMED, 2-2017)
(30) Voir par exemple Latour B., 'Science in Action, How to Follow
Scientists and
Engineers through Society', Cambridge, Harvard U. Press, 1987 ou
'Histoire des
sciences et des savoirs', tome III sous la dir. de C. Bonneuil et
D. Pestre 'Le siècle des
technosciences (depuis 1914)', Paris, Seuil, 2015 et dans une approche
qui évoque les développements de l'intelligence artificielle :
Brynjolfsson E. & McAfee A., 'The Second Machine Age: Work,
Progress, and Prosperity in a Time of Brilliant Technologies', W. W.
Norton & Company, 2014
(31) Séris J-P, 'La Technique', coll. quadrige, Paris, PUF, 1994
(32) 'La contribution de Nobel français au débat sur la
recherche. La crise de la recherche académique, une opportunité
de changement', Le Monde, 9 mars 2004. Dans un plaidoyer en défense du CNRS ('Notre avenir dépend de la
recherche fondamentale', Le Monde, 11 fév. 2005) son président,
Edouard Brézin, cite le cas du physicien Albert Fert, nobélisé en 2007
pour la découverte de la magnétorésistance des couches minces (mémoire
numérique). L'argument semble court, on note que son laboratoire est financés par
'Thalès', un fleuron du complexe
militaro industriel.
(33) Voir : 'Physique et recherche médicale, le CEA et l'instrumentalisation des sciences du vivant' (HISTRECMED, 5-2017).
(34) En 2002, le ministre chargé de la Recherche, François D'Aubert, profite de
l'inauguration de l'institut 'Minatech' consacré aux NBIC au
CEN-Grenoble pour
annoncer le projet d'Agence nationale de la recherche (ANR). L'installation de l'Agence Nationale de la Recherche en 2005 coincide avec un redressement du BCRD qui tombé
à 2% du PIB en 2004 se stabilise 2.25 % à la fin des années 2000 (2.45 % aux E-U, 2.80 % en Allemagne en 2010)
(35) Beffa, J-L, 'Les conditions d'une nouvelle politique
industrielle', rapport au Pdt. de la République, Le Monde, 5 janv. 2005
(36) Prost A, Cytermann J-R, 'Une histoire en chiffres de
l'enseignement supérieur en France', Le Mouvement social, 233. 4. 2010
(37) Floch B., 'Le Cambridge français remis sur les rails', Le
Monde, 24 déc. 2015, 'Paris-Saclay : Macron acte le divorce entre
Polytechnique et les universités', Le Monde, 27 oct. 2017
(38) Picard J-F, Mouchet S., 'La métamorphose de la médecine', PUF, 2009.
© Illustrations : CNRS images - Conception graphique : Karine Gay