De la nationalisation au TGV


Recherche & développement à la SNCF


Pour citer cet article : J-F Picard (2024) https://www.histcnrs.fr/H-SNCF.html

Voir aussi : http://archivchemindefer.free.fr/



Si au XIX° siècle le chemin de fer a tenu un rôle central dans l’essor des sociétés industrielles, au siècle suivant il devient l'opérateur d'un service public chargé des transports dans un marché devenu concurrentiel. Ainsi en France, alors que se développe les transports routiers, voire aériens, une convention de 1921 affirme la volonté des pouvoirs publics de garder la main sur le rail pour des raisons à la fois politiques, sociales et économiques, notamment en matière tarifaire. Loin de n'être qu'une spécificité de notre pays, ces préoccupations expliquent les nationalisations opérées en Europe tout au long du XX° siècle, en Suisse en 1902 avec les chemins de fer fédéraux (CFF-SBB), en Italie en 1905 avec les 'Ferrovie dello Stato' (FS), en Belgique en 1926 avec la 'SNCB', en Allemagne avec la 'Deutsche Reichsbahn' en 1937, en 1938 aux Pays-Bas avec les 'Nederland Spoorwegen' (NS), en Espagne en 1941 avec la 'RENFE' et en Grande-Bretagne en 1947 avec les 'British Railways'. Or ces nationalisations n’ont pas affecté les efforts de recherche-développement et les capacités modernisatrices du système ferroviaire. C'est ce que l'on voudrait illustrer ici dans le cas de la 'Société Nationale des Chemins de fer Français' (SNCF) où fut conçue l’électrification en alternatif à fréquence industrielle et développés plus récemment les trains à grande vitesse *.


 Naissance de la SNCF

Dès avant la création de la SNCF, une partie du réseau ferroviaire français était exploitée par les pouvoirs publics.  Lourdement déficitaire la 'Cie des chemins de fer de l’Ouest' fut intégré en 1909 au réseau de l’'État', tandis qu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, celui d’'Alsace-Lorraine' passait des mains de l'administration prussienne dans celles de la IIIème République. Dans un contexte de déficit généralisé, la crise économique provoque en 1934 la fusion de la 'Cie. du Paris-Orléans' (P.-O.) et des 'Chemins de fer du Midi' pour tenter de réduire les frais d’exploitation de deux réseaux responsables d'un vaste programme d'électrification. En 1931, le projet de nationalisation fait l’objet d’un rapport du socialiste Jules Moch et s'inscrit dans les revendications du syndicalisme cheminot qui, à la suite des grandes grèves de 1910 et de 1920, a obtenu un statut unique des travailleurs du rail, l’unification des grilles salariales et celle des caisses de retraite. En 1936, le gouvernement de Front populaire procède à l'embauche de 90 000 cheminots et lance le débat qui aboutira à la création de la SNCF le premier janvier 1938. En dépit des réticences syndicales, le décret de nationalisation a décidé la création d’une société d'économie mixte composée à 51% de représentants de l'Etat et à 49% des anciennes compagnies - Nord, Est, PLM, PO-Midi et Etat -, moyennant quoi la SNCF hérite à sa naissance d’une dette cumulée de 37 milliards de francs, tout en disposant de 500.000 cheminots, auxquels s'ajoute la charge de 400.000 retraités.

A la naissance de la SNCF, la répartition du trafic est très inégale puisque 60 % des mouvements y assurent 80 % du trafic. Ainsi, la ligne impériale, Paris-Lyon, procure à elle seule le douzième de ses recettes. 25.000 locomotives, 30.000 voitures de voyageurs et  450 000 wagons de marchandises circulent sur un réseau découpé en cinq régions - puis six avec celle de Méditerranée formée en 1947 - correspondant à l'emprise géographique des anciennes compagnies. La direction de la SNCF est assurée par un conseil d’administration et un directeur général, le premier nommé à ce poste étant Robert Le Besnerais. Trois directions fonctionnelles sont chargées d'animer cet ensemble. L'infrastructure relève d'un service ‘Voies et Bâtiments’ (VB), la marche des trains d'un service ‘Exploitation’ (EX), les locomotives et leur combustible, les voitures et wagons d'un service ‘Matériel et Traction’ (MT). Ce dernier dispose de ses propres divisions d'études, l'une pour les locomotives à vapeur (DEL) attachée au Sud-est, l'autre pour la traction électrique (DETE) au Sud-Ouest, celle des voitures (DEV) à l'Est et des autorails (DEA) à l'Ouest. A sa naissance, la SNCF gère un réseau de 42.000 km, dont 2.400 km électrifiées en courant continu 1500 volts, un système développé par Hippolyte Parodi au 'P.O.-Midi', entre Culoz et Modane par le 'PLM' et à l''Etat' sur Paris-Le Mans équipé par Raoul Dautry grâce au plan Marquet. Ces électrifications sont interrompues par la guerre, à l'exception de la section Brive-Montauban qui sera achevée en 1943 sur la ligne Paris-Toulouse.


La bataille du rail

Avec la guerre, la SNCF devient un acteur majeur de l'histoire, nourrissant une abondante bibliographie comme une filmographie illustrée par ‘La Bataille du Rail’ de René Clément. Les opérations de l’été 1940 entrainent un lot de destructions, souvent dues à des coupures de ponts pratiquées par une armée en retraite.  L’armistice est signé dans le wagon de 1918 installé en forêt de Compiègne. Sous l'occupation les deux tiers du réseau de la SNCF sont placés sous la tutelle militaire de la Wehrmacht Verkehrs Direktion (WVD), puis remise à une administration civile (‘HVD’) en 1942. Dès l'été 1940, l'occupant effectue d’importantes réquisitions de matériel portant sur 1 000 locomotives et 35 000 wagons, une partie des 260 000 wagons enlevés outre-Rhin à la fin de la guerre, moyennant d'éventuelles compensations financières. L’exploitation du réseau est restée aux mains de la SNCF, ses cheminots placés sous l'étroite surveillance de personnel de la Reichsbahn’. Conséquences de restrictions de tous ordres, le rail est le mode de transport irremplaçable des voyageurs et des marchandises dans un pays occupé. Ayant fourni la centaine de convois de la déportation, notamment au lendemain des rafles de juillet 1942 ou de la région marseillaise en janvier 1943, la SNCF sera poursuivie en justice soixante ans plus tard pour se voir finalement déboutée de toute complicité. A tous les échelons, du cheminot de base au directeur de la traction comme Louis Armand, elle a d'ailleurs été un acteur majeur de la Résistance, que ce soit en fournissant des renseignements aux Alliés ou en effectuant des sabotages, comme l'atteste son impressionnant martyrologe : 800 cheminots exécutés, 1200 déportés, 2361 tués lors de mitraillages ou de bombardements. En 1944, la bataille de la Libération voit ainsi s’opposer les tenants de bombardements destinés à 'encager' le front de Normandie aux actes de sabotages qui entravent les transports militaires allemands. Sur le plan  humain et matériel, la SNCF a incontestablement payé un lourd tribut à la libération du pays.


La reconstruction

A la Libération, la capacité de transport du réseau ferré n'est plus qu'au tiers de son niveau d'avant-guerre. 3.000 kilomètres de voies, 2.000 ouvrages d'art, 570 postes de signalisation, 10 000 appareils de voie sont détruits ou avariés. Sur 322 gares importantes, 170 sont totalement démolies ou gravement endommagées, sur 30 triages 24 sont inutilisables. Dès le mois de décembre 1944, grâce à un effort soutenu près de 1.250 ouvrages sont rendus à l'exploration. Parmi ceux-ci le pont d'Orléans sur la ligne de Toulouse et de Montlouis sur Paris-Bordeaux, le viaduc de Maintenon sur celle de Bretagne, le pont de Verberie sur l'Oise ou le viaduc d'Anthéor vers l'Italie. En janvier 1945 la SNCF prend les dispositions nécessaires pour faire rouler près de 8.000 wagons, dont 400 par jour pour les seuls besoins de la région parisienne. Elle optimise leur déchargement et leur réemploi grâce à un personnel mobilisé tous les jours de la semaine. En un an, la circulation des trains est pratiquement rétablie sur l'ensemble du réseau.

Concernant le parc de traction, il ne restait que 2.000 locomotives à vapeur en état de marche à la Libération. Dès le début 1945, André Chapelon, le responsable de la DEL propose la construction d’une série de locomotives de grande puissance, mais ce projet s’avère hors de portée d'une l'industrie nationale affectée par la guerre. Pour mémoire, il faudra quatre ans pour que la firme Schneider fournisse les trente cinq  241-P commandées par la SNCF. En février 1945, une mission SNCF est donc dépêchée aux Etats-Unis pour passer commande à la firme Baldwin de 700 locomotives dont les premiers exemplaires sont livrés à Marseille en décembre suivant. Prévues pour un service mixte, voyageur et marchandise, ces 141-R à simple expansion bénéficient de procédés de fabrication performants de l’industrie américaine, chassis monoblocs en acier moulé, roulements à rouleaux, alimentation par stocker, bientôt suivies d’une deuxième tranche de 500 machines du même type chauffées au fuel. Prévues pour être conduites en banalité, ces locos - parfois qualifiées de 'Libération' - révolutionnent la traction vapeur à une époque où chaque équipe était affectée à sa locomotive, souvent de type compound, donc d'un fonctionnement plus complexe.

Alors que la SNCF disposait de 800 autorails à la nationalisation, il n’en reste que 450 en état de marche en 1945. L’année suivante la Fédération nationale des cheminots (FNC) de la CGT lance la construction d'un engin dont le coût est théoriquement inférieur à celui d'un autocar. A partir de 1946, ces FNC (X-5600) sont affectés au service omnibus de quelques lignes secondaires, bientôt suivis par une série d’autorails plus puissants (X-3800) appelés à circuler sur l'ensemble du réseau.  En matière de voitures et wagons, au printemps 1945, la SNCF ne dispose plus que de 10 000 voitures voyageurs, contre 17.000 avant-guerre. En 1949, elle passe commande de 350 voitures de grandes lignes de type unifié conçues par l'ingénieur Denis Forestier de la DEV. Alors qu'elle a remise en service environ 130 000 wagons de marchandises début 1946, elle commande 80 000 wagons couverts en Amérique, dont la moitié sous forme de 'kits' à assembler dans les ports où ils sont débarqués. 


Un déficit endémique

Forts de leur rôle dans la Résistance, les cheminots n’ont pas ménagé leur peine dans la période de reconstruction. Sous l’impulsion de la CGT et du Parti communiste, ils ont tenu un rôle majeur dans la bataille de la production. Mais au printemps 1947, la sortie du Gouvernement des ministres communistes provoque une vague de grèves dures dans les charbonnages, bientôt relayée par celle des chemins de fer. A la suite de l'évacuation musclée des piquets de grève dans les dépôts ordonnés par le ministre de l'Intérieur, Jules Moch, un sabotage commis à proximité d’Arras, provoque le déraillement d'un train, une vingtaine de morts et une quarantaine de blessés. La CGT proteste de son innocence et dénonce "une canaillerie sans nom", mais voit ses deux représentants au conseil d’administration de la SNCF, Tournemaine et Crapier, suspendus de leurs fonctions, tandis que le directeur de la SNCF, Maurice Lemaire, entré en fonctions à la Libération est remercié.

En 1949, l'Assemblée de la IVème République dresse un rapport sur le fonctionnement des entreprises nationalisées, si le rôle de la SNCF dans la remise en marche du pays n'est pas contesté, il n'en va pas de même du coût de l'opération pour les finances publiques. Les investigations confiées au sénateur du Vaucluse, Marcel Pellenc, précisent d'abord les causes d'un déficit d'origine tarifaire, « depuis 1918 en France a toujours été en retard sur la hausse des prix. Il est deux choses que les Français ne veulent pas payer à leur prix normal, leurs transports et leurs loyers. En 1914 le retard des tarifs de chemin de fer sur l'indice des prix était de 32 % pour les voyageurs alors qu’il atteignait déjà 77 % en 1939». Le rapport Pellenc pointe les dépenses de personnel qui constituent 60 % du budget d'exploitation de la SNCF. Certes, l'entreprise nationale a entrepris de réduire ses effectifs et compte désormais moins de 400 000 cheminots. Mais cette mesure n’a guère d'effets immédiats puisqu'elle doit supporter le nombre correspondant de retraités. Les syndicats s'élèvent évidemment contre ces dispositions au nom de revendications parfois corporatistes - 'Le Monde' ironise sur la prime au chat des gardes-barrières - et le trafic se retrouve complètement paralysé en août 1953 au cours de la grève la plus dure dans l'histoire de la SNCF. Les accès des gares parisiennes restent fermés deux semaines, tandis que des trains de grande ligne sont garés et immobilisés à Lyon et à Dijon. Il n’empêche, accompagnés de grèves à répétions, les effectifs de la SNCF ne cesseront de décroitre au fil des ans,  360 000 agents en 1958,  270 000 en 1974.

L’autre cause du déficit est la concurrence routière qui ne cesse de croître. Une première tentative de coordination rail-route avait fait l'objet d'un décret-loi du 19 avril 1934 préconisant la fermeture de lignes déficitaires. En 1939, cette procédure touche environ 9000 km de ligne, mais qui restent exploitées en trafic marchandise. Passée la guerre, une nouvelle loi de coordination rail-route est adoptée en juillet 1949, alors que  80%  du trafic marchandise  n'utilise plus que 50 % du réseau. "Lorsque l'on sait que l'autorail le plus économique a un coût de circulation de 4,50 F au kilomètre (en 1950), alors que celui de l'autocar peut descendre à 1,50 F, on devine immédiatement que l'autocar a un immense domaine où il peut offrir aux populations une desserte à la fois plus économique et plus fréquente", cela pour ne rien dire de la concurrence des voitures particulières que dénonce le démographe Alfred Sauvy. Outre la différence des coûts, grâce à leur souplesse d'exploitation les routiers 'écrèment', selon le terme consacré, les transports les plus rémunérateurs d'abord au niveau local, puis sur les grandes distances. Mais la proposition de fermer 3000 kilomètres de lignes se heurte à l'opposition de parlementaires locaux et le rapport Pellenc constate en juillet 1952 que "la SNCF qui n'est ni maîtresse du niveau des tarifs qui commande ses recettes, ni des salaires ou des prix qui conditionnent ses dépenses.../ (et) vit pour les deux tiers des fonds de l'État, (mais qu'elle) constitue l'un des services essentiels de la vie nationale". Ces conclusions conduisent le gouvernement Antoine Pinay à transférer à l'État 60 % des frais d'entretiens du réseau ferré.

 
Louis Armand, un modernisateur

Sorti second de l'École polytechnique et premier de l'École des mines, entré eu PLM en 1934, devenu directeur du matériel à la SNCF, Louis Armand est nommé directeur de la société nationale en 1949.  En saint-simonien du vingtième siècle, ce cheminot un sens aigu du rôle que le progrès scientifique et technique doit tenir dans l'organisation d'une société moderne. Ainsi, Armand a-t-il eu une place importante dans le développement de l'énergie nucléaire dont il pressent d'ailleurs l'intérêt pour l'électrification ferroviaire. Mais il est avant tout cheminot et ses réflexions portent sur «cette nécessaire discipline du monde de demain qui donne un autre atout au chemin de fer que la route ne possède pas : le guidage». Loin de n'être que source de déficit, il avance que le rail recèle des possibilités de productivité susceptibles de soutenir la croissance économique, ce qu'il entend démontrer grâce à un ensemble d'innovations qui seront menées sous sa houlette, de la pose des rails en barres longues, en passant par l'automatisation de l'exploitation et évidemment par le développement de la traction électrique. 

En 1939, la SNCF projette d'adopter le 1500 volts continu pour équiper la ligne Paris-Lyon-Marseille. Mais l'occupation l'amène à surseoir alors qu'elle se trouve confrontée à d'autres dispositions comme le recours au continu 3000 volts des italiens ou à l'alternatif à fréquence spéciale (16 2/3) de la Reichsbahn. En définitive, dans le souci de mutualiser son parc de traction, voire d'adopter des dispositions qui ont fait leur preuve, la ligne Paris-Lyon sera électrifiée en continu 1500 volts pour une mise en service en 1950. Mais depuis l'avant-guerre, Louis Armand s'intéresse aux expériences de traction en monophasé à 50 Hz réalisées par le dr. Paul Müller du service traction de Siemens sur la petite ligne de Freiburg im Brisgau à Titisee en Forêt Noire. Sous l'occupation, il dépêche des ingénieur de la firme Schneider-Westinghouse, Charles Rossignol et Paul de Giacomoni, afin d'examiner cette installation. Le 7 juin 1944, soit le lendemain du débarquement allié en Normandie et quinze jours avant son arrestation par la Gestapo qui le soupçonne de participer à la résistance, Armand rédige une note destinée à la direction de la SNCF dans laquelle il recommande l’adoption «…du courant monophasé à 50 pps. (périodes par seconde) sur des lignes de trafic moyen dont l'électrification en continu basse tension ne saurait se justifier, Clermont-Ferrand-Nîmes par exemple, pour lesquelles on pourra se contenter de locomotives moins puissantes qu'avec l'ancien système». Au Congrès pour l'avancement des sciences à Biarritz en 1947, il rappelle  "qu'une fois achevé Paris-Lyon en courant continu, il ne restera que quelques centaines de kilomètres à équiper sur le réseau français avec ce système, soit moins de la moitié des lignes susceptibles de l'être à moindre coût". En puisant directement l’énergie nécessaire à la traction auprès du fournisseur d’électricité, comme EDF créée en 1946, la SNCF pourrait faire une économie du simple au double par rapport au système Parodi pénalisé par ses imposantes sous-stations et la lourde caténaire du 1500 volts continu. Ainsi dit-il, pourrait s'alléger la consommation de charbon de la SNCF qui représente encore le cinquième de la production nationale. 


La Division d'étude de la traction électrique

Placé à la tête de la DETE en 1945, Marcel Garreau a un rôle crucial dans la mise au point de la traction en courant industriel. Recruté aux chemins de fer l’ETAT, cet ingénieur X-Supélec avait conçu le système de télécommande des sous-stations de la ligne Paris - Le Mans. A la DETE, il est secondé un groupe de jeunes ingénieurs, parmi lesquels Fernand Nouvion, venu comme lui de l’ETAT, Marcel Teissier (X - 1939) ou André Cossié. La principale contrainte posée par l’usage du monophasé cinquante périodes concerne la commutation des moteurs à collecteurs dit Garreau, «...si le monophasé à fréquence industrielle peut faire ressortir une économie des coûts d'équipement par rapport au continu, encore faut-il que cette simplification apportée à l'alimentation ne rejette  pas sur les locomotives des difficultés susceptibles de manger le bénéfice » *. A la suite du fonctionnement médiocre des locomotives du Höllental, la Reichsbahn a abandonné l'expérience. Mais comme la ligne est située dans la zone française d'occupation en Allemagne, en 1946 la SNCF décide de les reprendre à son compte, puis de la poursuivre en France sur la ligne savoyarde d’Aix-les-Bains à la Roche-sur-Foron. La priorité concerne la mise au point d’une machine à moteur direct à laquelle s'étaient heurtés les ingénieurs de Siemens, alors que, selon Armand, là réside la manière la plus logique d’utiliser l'alternatif haute-tension. De fait, la 'CC-6051' construite par Örlikon donne satisfaction en s'inscrivant dans le cahier des charges fixé par la SNCF, mais outre sa complexité, le moteur direct présente certains inconvénients comme une commutation délicate qui fait craindre un entretien onéreux. Une autre solution passe par l'usage de redresseurs statiques permettant de transformer l'alternatif en continu pour alimenter des moteurs de facture classique. L'ignitron est un redresseur mono-anodique à impulsion d'allumage développé par la firme Westinghouse pour les besoins de l'électrométallurgie. En 1947, à l’issue d’une mission d'étude aux Etats-Unis, Marcel Garreau décide de monter des ignitrons sur une vieille automotrice de la banlieue Saint-Lazare.


Le courant alternatif monophasé à 50 Hz

En octobre 1951, alors que l’électrification du Nord-Est de la France est lancée, Louis Armand convie à Annecy les délégués de vingt deux pays pour leur présenter les progrès réalisés par la SNCF en matière de traction électrique.  Malgré l’intérêt des participants, certains critiques s’y expriment, notamment celle d’Hippolyte Parodi qui dénonce : «...la remise en cause, à l'issue d'une étrange discussion, d'un dispositif  (le courant continu) que l'on pensait  définitivement  adopté après la guerre de 1914-18, contre le système allemand et suisse.../  Même les Allemands ont adopté le continu pour les banlieues de Hambourg et de Berlin» souligne l’académicien. Alors que la Bundesbahn s’apprête à lancer un ambitieux programme d’électrification, son patron le dr. ing. Peters, rappelle son peu d'enthousiasme pour les essais du Höllental, niant qu'un bilan d'électrification en monophasé 50 périodes se présente mieux qu'en 16 2/3. De même, le directeur des CFF, le dr. ing. Mayer, confirme que son pays totalement électrifié reste très satisfait du 16 2/3 Hz. Quoi qu'il en soit, avec la mise en service du monophasé 50 Hz sur la ligne Valenciennes-Thionville et sur les Chemins de fer luxembourgeois (CFL), cinq 'BB-12000' équipées d’ignitrons révèlent leur extraordinaire capacités de traction, pratiquement le double de ce qu'imaginaient les ingénieurs, une réussite évoquée par Garreau qui souligne "...que leur moteur à courant  continu se révèle capable d'avaler les ondulations du courant redressé, en fait du cent périodes, beaucoup plus facilement qu'on ne l'imaginait ». Si la polémique relancée aux journées d'information de Lille en mai 1955 confirme l’opposition allemande au monophasé 50 Hz, celui-ci est adopté en Turquie et au Portugal, puis en Grande-Bretagne, en URSS et en Chine. En France, l’équipement de la ligne Paris-Lille est achevée en 1959, Dijon-Vallorbe en 1960, puis Paris-Strasbourg, Paris-Le Havre, Le Mans-Rennes, Marseille-Vintimille, etc. au cours des années 1960.  En 1970, 10 000 km de lignes SNCF sont électrifiées avec les deux systèmes, continu et alternatif, et acheminent 80 % du trafic de la SNCF. La mise sous tension de la ligne Dijon-Neufchâteau qui relie le Nord-Est au Sud-Est requiert l’emploi de machines capables de passer en pleine voie d’un type de courant à un autre. La 'BB-20005' modifiée par André Cossié au début des années 1961, la mère des machines 'grand bi-courants' met fin au besoin de gares commutables.


Adhérence totale

Issu de Sup'Elec, Fernand Nouvion est nommé aux cotés de Marcel Garreau à la DETE en 1945. Cet ingénieur est davantage attiré par la mécanique que par l'électrotechnique. Dans une conférence donnée à l'Ecole polytechnique dix ans plus tard, il affirme que : « le plus important dans une locomotive, ce n'est pas le mode de traction, mais la partie mécanique dont l'électricité ne doit être que le serviteur " *. Alors que les locomotives électriques de grande puissance reposent sur un lourd chassis et leurs essieux directeurs, l’innovation vient de Suisse lorsqu'en 1943 la compagnie helvétique du 'Bern-Lotschberg-Simplon' met en service des machines légères de quatre essieux (BB), dotés de moteurs entièrement suspendus. A la suite, la SNCF passe commande à Alsthom d'une machine à six essieux (CC) et à MTE-Schneider d'une autre à quatre essieux (BB). En 1955, lors d'une conférence donnée à Polytechnique, Fernand Nouvion explique pourquoi il a choisi ces locomotives à adhérence totale pour réaliser des expériences de grande vitesse : «on avait choisi la ligne des Landes parce que ses grands alignements permettaient d'aller vite. Le premier jour, nous avons utilisé la CC 7107. Mais on a rencontré des difficultés de captage du courant et on a fondu un panto. Vers 300 km/h on avait aussi commencé à percevoir une odeur de brûlé, indice de la destruction des silentblocs de la transmission. Il y a d'ailleurs un chiffre qui ne peut être divulgué, c'est celui de la vitesse vraiment réalisée par la CC, soit 320 km/h au moment où l’on a tout arrêté » *. L’essai de la BB 9004 réalisé le lendemain apporte aussi son lot d’émotions : « lorsqu'on a enfin atteint les 300 km/h avec le BB 9004 le panto arrière était hors service. J'ai fait lever celui d'avant. J'étais inquiet à cause de ce qui était arrivé la veille, mais ça a tenu et on a atteint 331 km/h au moment du 'couper courant'. C'est d’ailleurs là que les accélérations subies par la locomotive ont brusquement changé de nature. Il s’est produit des oscillations qui ont duré une dizaine de secondes. On a cru à une avarie dans la transmission et j’ai craint le déraillement. Les appareils de mesure avaient enregistré des accélérations de  0,25 g sur la machine et une poussé de six tonnes sur le rail»*.  Si ces expériences largement médiatisées relèvent de l'exploit, un 'ruban bleu du rail' dit la presse spécialisée, elles se révèlent aussi riches d’enseignements. «On apprend beaucoup lorsque on va sur le terrain au lieu de rester dans les bureaux dit Nouvion. C'est l'essai de la BB qui nous a montré la nécessité de monter sur les bogies des amortisseurs antilacets à action rapide /.../  (ils) nous ont aussi appris que pour aller vite, il fallait des roues monoblocs... Ensuite qu'il y avait un problème de captage. Il fallait remplacer le continu moyenne tension par de l'alternatif haute tension.../ [En 1990] le TGV a battu son record de 515 km/h en prenant 700 Ampères à la caténaire, moi, j'en avais pompé plus de 5000 à 331 km/h!" *.


Locomotive universelle

Fruit de l'expérience de terrain, Nouvion présente sa 'locomotive universelle', la série des 'BB-16500' introduite sur la ligne Paris-Lille en 1958. Ces locomotives sont dotées de bogies monomoteurs et d’une transmission à double rapport de réduction qui les rend aptes à remorquer un train de marchandises de 1500 t. à 90 km/h ou de voyageurs à 140 km/h. Rapidement ce type de locomotives s'étend sur le réseau de la SNCF que ce soit en continu avec les 'BB-8500' ou en bicourant avec les ‘25500'.  La bi-réduction reste néanmoins critiquée par les services d’entretiens. Lors d’une réunion organisée par le Service matériel et traction à Salins-les-Bains, Nouvion doit monter au créneau pour défendre ses conceptions : «personne au monde n'est capable de faire une machine aussi légère, aussi performante, aussi universelle que la '16500' et si vous avez des problèmes c'est que vous ne savez pas les entretenir !». Reste que leur tenue de voie vacillante due au faible empattement de leurs bogies et à la raideur de leur suspension leur valent le sobriquet de 'danseuses'. Au vrai, le bogie monomoteur à bi-réduction nécessite une pose de voie impeccable, comme le révèlera des années plus tard l'échec d'une ‘CC-21000' essayée par l'Amtrak entre Boston et New-York. La bi-réduction est d’ailleurs contestée par le nouveau directeur du matériel à la SNCF, Jean Dupuy, qui nie son intérêt économique : « des bogies à deux rapports d'engrenage ne servent à rien si on relève la vitesse des trains de marchandise de 90 km/h à 120 Km/h puisqu'on perd ainsi le bénéfice d'une économie de 8% sur le nombre de machines du parc » *. Moyennant quoi la bi-réduction est abandonnée sur les nouvelles locomotives à bogies monomoteurs commandées par la SNCF dans les années 1970, électriques (BB 15000 et 7200) ou diesel-électriques ( BB 67 000 et CC 72 000) .


Le 'Pool Europ' de wagons de marchandises

En 1946, la SNCF réforme le transport marchandise en séparant un régime ordinaire (RO) d'un régime dit ‘accéléré’ (RA), appelé à représenter le tiers du trafic. Elle modernise ses gares de triages en conséquence, sur le Sud-Est, celui de Gevrey-Chambertin est inauguré en 1951, celui de Villeneuve Saint-Georges bat le record du nombre de wagons traités en 1957. Au Bourget, à Miramas (Marseille), Sotteville (Rouen), Woippy (Metz), Hourcade (Bordeaux), Sibelin (Lyon), Saint-Jory (Toulouse), les triages bénéficient d’équipements destinés à en améliore le rendementv machines de débranchement télécommandées, postes à billes, freins de voies, transmissions radio, téléscripteurs, etc. En 1955, le trafic marchandise atteint un sommet inégalé à la SNCF avec 46 milliards de ‘tonnes-kilomètres’, en augmentation de 4 milliards par rapport au record de 1929. Compte tenu des facteurs géopolitiques dans l'Europe d'après-guerre, l'évolution du trafic est lié aux relations franco-allemandes. En octobre 1940, la nécessité d’empêcher la réquisition des wagons minéraliers sur le Nord-Est fut à l’origine de la création de la Société de gérance des wagons à grande capacité (SGW). Dans les années 1950, l’électrification de la ligne Valenciennes-Thionville et ses antennes suscite la construction de wagons trémies de 60 tonnes de charge utile, permettant le formation de trains de minerais tractés par les puissantes 'CC 14 000' de la ligne Valenciennes-Thionville. La création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) donne une forte impulsion à l’européanisation du trafic. En 1951, une convention est passée entre la Deutsche Bundesbahn et la SNCF pour constituer un 'pool' de 100 000 wagons utilisés indifféremment de part et d’autre de la frontière franco-allemande. L’opération s'avère un succès et s’étend en 1954 aux autres partenaires de l'Europe occidentale et concerne 150 000 pièces par l’apport de 4 500 wagons autrichiens (ÖBB), 20 000 Belges , 600 danois (DSB), 15 000 italiens, 1 250 luxembourgeois,  3 750 hollandais, 4 100 des Chemins de fer de la Sarre et  4 000 suisses. Cette mise en commun incite à standardiser la construction de ces véhicules en respectant des prescriptions techniques normalisées - dimensions, charges, barres de traction continue, etc. - telles que définies par l’Office de recherches et d’essais créé en 1948 au sein de l’Union internationale des chemins de fer (UIC-ORE). En 1963, il est envisagé d’adapter un attelage automatique au million de wagons appelés à circuler sur les réseaux européens, mais cette perspective probablement irréaliste, compte tenu de son coût et du tassement du trafic, reste dans suite sur le matériel marchandises.


Rail et route

De fait, à compter des années 1960, la concurrence routière et la construction d'autoroutes amorce l’irrésistible déclin du trafic des marchandises confié au rail. En France, la SNCF qui détenait 80 % des transports de produits pondéreux, est victime du déclin des charbonnages du nord et de la sidérurgie lorraine, en outre elle se heurte à la concurrence de la voie d’eau pour les produits de construction et au développement d'un réseau d'oléoducs pour les hydrocarbures. Mais le chemin de fer est surtout victime de l'essor d'une concurrence routière qui assure au milieu des années soixante plus des trois quarts des transports, dont 53% de produits alimentaires, et bénéficie d'un taux de progression deux fois plus élevé que celui de l’économie nationale.  En outre, dans l’Europe des années 1970, la libéralisation des échanges invalide toute velléité de politique des transports. Les Pays-Bas qui sont liés à la prospérité de Rotterdam, défendent la libre navigation sur le Rhin et la circulation des poids lourds, en Italie la faiblesse du maillage ferroviaire fait que le rail n’assure que 20 % du trafic, de même en Grande-Bretagne où l’insularité et  un gabarit ferroviaire étriqué font que la route en capte désormais les trois quarts.  La SNCF envisage certaines contre-mesures, comme le lancement d’un ‘Provence-Express’ destiné à acheminer fruits et légumes du Vaucluse vers la région parisienne ou les 'wagons-kangourous' destinés aux remorques routières, voire en imaginant une ‘route roulante’ destinée à charger des semi-remorques. En vain. Ces initiatives se heurtent à certaines contraintes techniques, comme des limites de gabarit, et surtout économiques dues aux délais de transbordements et d’acheminements propres au transport ferroviaire. Dans les dernières décennies du vingtième siècle en France, rien n'empêche plus la part du transport marchandise de régresser d’environ 3 à 4% par an ce que la SNCF n'hésite pas à qualifier de catastrophe, tandis que le journal ‘Le Monde’ constate que ‘l’Europe des transports ferroviaires n’existe pas’; peut-être faudrait-il dire qu’elle n’existe plus, à l'exception de trains blocs de céréales et au transit de containers déchargés à Marseille à destination de l'Europe du Nord.


Banlieue parisienne

Dans ses premières décennies, la SNCF ne s'est guère occupée de la banlieue parisienne. Il est vrai qu'elle a hérité d’un réseau de banlieue développé par les anciennes compagnies, en particulier sur la Banlieue Saint-Lazare, profondément modernisée dans la période de l’entre-deux-guerres par les chemins de fer de l'Etat. Après la ligne Invalides  - Versailles Rive-Gauche électrifiée au début du XX° siècle, l''Etat' a procédé à son électrification en continu 750 volts et à mis en service des ‘rames standards’ reversibles, adaptées aux quais hauts des gares desservies, ainsi qu'une signalisation spécifique à la fréquence des circulations. Sur un total d’un demi-million de banlieusards transportés quotidiennement à la veille de la Seconde Guerre mondiale, avec ses 270 000 voyageurs la gare Saint-Lazare se taille la part du lion devant celle du Nord (130 000), de l’Est (90 000), de Lyon (55 000), d’Austerlitz (30 000) et de Montparnasse (16 000).  Dans les années cinquante, la banlieue bénéficie de l’électrification du réseau SNCF avec la commande de rames en acier inoxydable mises en service vers Corbeille et Melun au départ de la gare de Lyon, puis à compter de 1958 vers Creil et Persan-Beaumont à partir de la gare du Nord. Quant à la banlieue Saint-Lazare, en 1977 elle est transformée à lors de l’électrification Paris-Le Havre pour s'adapter au monophasé 50 Hz. Alors que Vème République lance des programme d’aménagement du territoire et donne la priorité à la desserte de villes nouvelles le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne prévoit la réalisation d’un Réseau Express Régional avec la réalisation d'une transversale Est-Ouest et d'une autre, Nord-Sud. Le ministre des transports, Jean Chamant, qui lance l'opération insiste sur la priorité à donner aux transports en commun en région parisienne, à laquelle le président de la SNCF André Ségalat  donne son accord, à la condition qu'on l'aide à en assurer les coûts.


'Réseau-Express-Régional'

Inscrit au schéma directeur de 1972, sa réalisation implique l'ouverture de gigantesques chantiers de génie civil à prendre en charge par la SNCF et par la RATP. La 'Régie autonome des transports parisiens' créée au lendemain de la guerre exploite le réseau de métro et d'autobus, mais aussi la ligne de Sceaux à grand gabarit, électrifiée en 1500 volts continu et dotée d'une signalisation spécifique. La réalisation de la transversale est-ouest est confiée à la RATP à laquelle la SNCF cède les lignes de Boissy-Saint-Léger et de Saint-Germain en Laye. Long d’une centaine de kilomètres, le 'RER-A' inauguré six ans plus tard dessert quatre stations de correspondances intra-muros,  ‘Charles de Gaulle-Etoile’, ‘Auber’, ‘Châtelet Les Halles’ le point nodal du futur réseau express, ‘Gare de Lyon’ et ‘Nation’. La réalisation de la transversale nord-sud, le 'RER-B', nécessite l’interconnexion de la ligne de Sceaux exploitée par la RATP avec la banlieue Nord qui l'est par la SNCF. Au cours des discussions menées au printemps 1972, malgré l’avis favorable d’un comité interministériel présidé par le premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, les ingénieurs rechignent à une fusion des deux entreprises publiques en s'appuyant sur un argumentaire technique, différence des systèmes d’électrification, de signalisation et de hauteurs de quais. En définitive, la RATP prévient qu’elle n’acceptera la circulation des trains SNCF sur son réseau qu’à la condition qu’ils ne perturbent pas son propre trafic... Quoiqu'il en soit, le prolongement de la ligne de Sceaux jusqu’à ‘Châtelet-Les Halles’ est réalisé grâce à l’établissement d’une rampe sévère qui la mène à 'Saint-Michel Notre-Dame' où est assurée la correspondance avec le 'RER-C'. Elle dispose d'un nouveau matériel (MI 79) spécialement conçu  pour circuler sur le réseau électrifié en continu et sur celui de la banlieue Nord en alternatif 50 Hz. La jonction avec 'Gare du Nord' réalisée en 1981 permet la circulation des trains du RER B entre 'Saint-Rémy lès Chevreuse' et l'aéroport 'Charles de Gaulle'. La réalisation de la ligne 'RER-C' ne concerne que la SNCF et intéresse la transversale de la rive gauche en connectant les gares terminus des 'Invalides' et d’'Orsay' via un tunnel de 800 mètres dont l'établissement a requis d'importants ré-aménagements du sous-sol parisien. Sa branche vers Ermont-Eaubonne utilise les emprises de l'ex-petite ceinture, une opération achevée en 1986 avec la mise en service de rames bicourant à deux niveaux (Z-8800). Quant au ‘RER D’ exploité par la SNCF et empruntant une partie du réseau RATP, il permet de raccorder la banlieue Nord à la banlieue Sud-Est en assurant via ‘Chatelet les Halles’ la liaison entre les gares de Lyon et du Nord mises en souterrain. Il constitue la plus longue ligne du réseau express avec près de 200 km, comme la plus fréquentée avec 600 000 voyageurs quotidiens. En juin 1988, la gare souterraine de Lyon voit le télescopage de deux trains, causant 59 victimes et occupant la ‘une’ des journaux durant une semaine. Due selon la CGT à la dégradation du service public, la catastrophe provoque la démission du président de la SNCF, mais elle révèle aussi la difficulté de sécuriser ce qui est devenu un gigantesque réseau de transports confronté à la montée d'actes d’incivilités.  Avec la mise en service du ‘RER-E’ entre ‘Haussmann - Saint-Lazare’ et la banlieue Est, le réseau rebaptisé ‘Transilien’ en 1999 compte 3780 km de voies, 400 gares et voit la circulation quotidienne de 7500 trains pour déplacer trois millions d'usagers, six fois plus que celui de banlieue en 1938.


'Trans-Europ-Express'

Comme celui des marchandises, le transport de voyageurs a bénéficié de l’européanisation des transports, mais il a mieux réussi à contrer les effets de la concurrence. En 1956, la troisième classe est supprimée en France comme en Allemagne au début des années 1960, les nouvelles voitures construites pour la SNCF répondent aux spécifications UIC pour les rendre aptes au trafic international. Alors qu'elle s’intéresse à la clientèle britannique à haut pouvoir d'achat, la SNCF met en route des trains auto-couchettes entre le port de Boulogne-sur-Mer et la Côte d’Azur. L'idée d'un réseau ‘Trans-Europ-Express‘ (TEE) destiné aux trains d'affaires en Lotharingie industrielle est formulée par Frans den Hollander, le président des chemins de fer néerlandais. A compter de l'été 1957, les 'TEE' composés de rames automotrices diesels électriques aptes à 140 km/h commencent à circuler. Ces trains soigneusement insonorisés, climatisées sont accessibles en première classe aux voyageurs moyennant un supplément de 1,7 Fr. au kilomètre.  La rame allemande spécialement prend en charge le ‘Paris-Rühr’ qui assure la liaison Paris Nord – Liège – Cologne – Dortmund. La rame hollando-suisse de l‘Etoile du Nord’ assure le 'TEE'  Amsterdam – Bruxelles – Paris. De son côté la SNCF améliore le confort des rames à grand parcours (RGP) destinées au service intérieur pour proposer le TEE ‘Ile de France’ qui relie Paris-Nord, à Bruxelles et Amsterdam en cinq heures et demie tandis que ‘L’Arbalète’ assure la relation Paris-Est, Mulhouse, Bale et Zürich en six heures. Les rames 'TEE' des chemins de fer italiens contribuent à réduire de moitié (4 h. 30 au lieu de 11) la relation Marseille – Gêne – Milan.  Au début des années 1960, les 'TEE' adoptent la traction électrique avec le ‘Cisalpin’  assuré par une rame électrique quadricourant des CFF entre Paris et Milan via la ligne du Gothard. En 1964, la SNCF décide à son tour d’engager des rames tractées sur la relation Paris–Bruxelles–Amsterdam en passant commandes de machines quadri-courant, les 'CC 40100' dupliquées en série 18 par la SNCB, des locomotives conçues par André Cossié de la DETE, mais pénalisées par une certaine fragilité, alors qu'au grand dam de la SNCF et vraisemblablement pour des raisons de concurrence, leur circulation n'est pas autorisée sur les réseaux allemands et hollandais.  Enfin, la SNCF obtient de labéliser ‘TEE’ des trains rapides à suppléments appelés à circuler sur le réseau national. Le ‘Mistral’ Paris-Nice, un train inauguré en 1950 devient un TEE, comme ‘Le Capitole’  Paris - Toulouse en 1967 formé d'un  train rouge qui file à 200 km/h entre Orléans et Vierzon, marquant rappelle Jean Dupuy "la première étape vers une accélération significative de la vitesse de nos trains" *. En 1971, ‘l’Aquitaine’ Paris-Bordeaux composés de voitures ‘grand confort’  est tracté par des 'CC 6500', les locomotives électriques de 8000 cv., les plus puissantes du parc.


La recherche dans les transports terrestres

Les années soixante voient se développer des recherches visant à améliorer la célérité des transports guidés, soit par la construction de nouvelles infrastructures, soit en développant des techniques compatibles avec le réseau ferré.  Champion de la première option, au début des années soixante, le Japon entreprend de compléter son réseau de 20 000 km de voies métriques en construisant une ligne de profil optimisé à écartement standard (1,435 mm), pour relier Tokyo à Osaka, sur laquelle circulent à 200 km/h en 1962 des rames électriques alimentées en 25 kV 50 Hz. Mais s'ils sont impressionnés par la performance technique, les exploitants européens doutent de la rentabilité du 'Shinkansen'. En Allemagne où la 'Bundesbahn' a organisé une relation expérimentale Munich-Augsburg à 200 km/h en rames tractées, le ministère fédéral de la technologieon table sur le développement de la sustentation magnétique. Le 'Transrapid' conçu par Siemens et Thyssen-Krupp, fruit d'une technologie aussi complexe qu'onéreuse, est incompatible avec le réseau ferré, comme en France 'L'Aérotrain' Bertin fonctionnant sur coussin d'air, soutenu par la 'Délégation à l'aménagement du territoire' (DATAR).  Evalué avec circonspection par la SNCF en 1966, l''Aérotrain Bertin' nécessite une infrastructure spécifique, alors que ses capacités de transport semblent limitées. La pendulation offre en revanche une technologie plus simple, compatible avec le réseau ferré, puisqu'elle consiste à améliorer le confort des voyageurs dans les courbes en annulant les effets de la force centrifuge. En France, elle a suscité en 1957 à la réalisation d'un prototype de voiture pendulaire, alors que la Grande-Bretagne développe son Advanced Passenger Train (APT) et surtout à l'Italie où l'électrotrain 'Pendolino' mis en service en 1975 rencontrera certains succès à l'exportation.

A la SNCF qui a réalisé  les essais de 1955 (cf. supra), la prospective sur les grandes vitesses procède d’une réflexion globale sur les transports guidés mené par les ingénieurs économistes qui forment le nouvel état-major de l'entreprise. Nommé en 1966 directeur général, Roger Guibert  l’ancien responsable  des transports routiers de la SNCF, confie à son adjoint Roger Hutter, un X-mines condisciple du Nobel d’économie Maurice Allais, le soin d'installer un Service de la recherche pour lequel il recrute Michel Walrave, un économiste polytechnicien. "A l'époque, la moitié des recettes de la SNCF provenait encore du trafic marchandises rappelle ce dernier. En revanche, il paraissait que si nous ne jouions pas la grande vitesse, le trafic voyageur n'aurait bientôt plus qu'un rôle secondaire, à l'exception peut être des banlieues. C'est donc sur l'idée d'une modernisation du trafic voyageur que nous avons travaillé. C'est-à-dire que de raisonner en terme d'induction de l'offre en jouant sur deux caractéristiques d'un chemin de fer moderne : la vitesse et la fréquence de desserte" *. Le Service de la recherche lance des études prospectives tous azimuts dont l'une qui porte sur les 'possibilités ferroviaires sur infrastructures nouvelles' (C03) est confié à Marcel Tessier, son directeur. "Personnellement, dit Jean Dupuy l'un des pionniers du TGV, j'estime que le chemin de fer a été sauvé plusieurs fois au cours de son histoire par des facteurs d'ordre économique. Cela a été vrai avec l'adoption du 50 Hz alors que la vapeur arrivait à bout de souffle, comme ce fut le cas pour le transport voyageurs avec le TGV » *.


'LGV' et 'TGV'

La première idée de faisabilité d'une ligne à grande vitesse revient à Robert Geais, le chef du service VB de la région Nord qui propose d'adapter un profil autoroutier au chemin de fer, c'est-à-dire des rampes de 35 pour 1000 et des courbes d'un rayon de 3 à 4 km. Le choix de Paris-Lyon pour l'établir selon ces principes s'explique selon Walrave parce que «sur une distance de 430 kilomètres, (elle) représentait le flux de voyageurs le plus important du réseau et [où] il semblait le plus probatoire de mettre en place [notre] projet de circulations de trains à forte puissance massique" *. Au début des années soixante-dix, plusieurs audits, celui d'un Groupe d'étude mixte fer-autoroute  (GEFAU), le rapport Coquand, le rapport Le Vert, valident les perspectives de rentabilité du projet 'C03'. L'Etat  ayant exclu de participer au finacement de l'opération, la SNCF est conviée à placer ses emprunts sur le marché international, ce que facilite ses capacités reconnues de remboursement (label '3A' sur Standard & Poor). La déclaration de travaux d'utilité publique obtenue en 1976, permet l'ouverture du chantier qui ne manque pas de provoquer certaines contestations. Outre les protestations des édiles dijonnais desservis par l'ancienne ligne impériale désormais court-circuitée, l'intention d'établir une nouvelle gare dans le quartier de la Part Dieu à Lyon est contesté par le maire Louis Pradel et par le président de la Chambre du commerce qui redoutent la concurrence faite à l'aéroport de Satolas. De fait, la compagnie Air-Inter fondée en 1954 par Air-France et la SNCF s'attend à perdre la moitié du trafic aérien entre Paris et Lyon et finira par disparaitre, absorbée par Air-France. La ligne nouvelle est également critiquée par le mouvement écologique naissant qui redoute de voir "la Bourgogne coupée en deux par un véritable rideau de fer".

«Vers la fin des années soixante on voyait la cible dit Roger Hutter, restait à fabriquer le fusil" *. Initialement, il est question d'utiliser la traction thermique, des trains à turbines à gaz dont la SNCF a déjà l'expérience avec les 'RTG' exploité sur les lignes Paris-Caen ou Lyon-Bordeaux.  En 1969, la SNCF passe commande à Alsthom de deux TGV prototypes à turbines (TGV 001 et 002), dont le 002 doté d'une suspension pendulaire afin de circuler sur le réseau classique, mais sans suite. "(Reste) que c'est la raison pour laquelle on avait conçu la rame articulée avec deux caisses sur un bogie explique Dupuy, le directeur du matériel. L'anneau de liaison était destiné à la pendulation» *. Le 'T.G.V. 001' sorti des usines Alsthom à Belfort au mois d'avril 1972 pour commencer ses essais et il décroche un nouveau record de vitesse (318 km/h), lorsque la crise de l'énergie de l'hiver 1973-74 modifie les données du problème. «La décision de construire la ligne du TGV Sud-Est est intervenue le 6 mars 1974 se souvient Dupuy. C'est l'une des toutes dernières décisions du Président Pompidou. Elle faisait partie du premier train de mesures consécutives à la crise pétrolière. J'ai souvenir d'un comité interministériel centré sur les économies d'énergie dans lequel la construction d'une ligne nouvelle a été mentionnée pour la première fois comme une des priorités du gouvernement. C'est là que tout a basculé. Si on faisait une ligne nouvelle, elle serait électrique. C'était un changement de pied assez sportif. [En cette occasion], on peut dire qu'un grand nombre de facteurs ont joué dans la genèse du TGV comme le baromètre 'économie d'énergie', voire les préoccupations naissantes d'environnement» *

Au vrai, l'histoire du TGV électrique a débuté plus tôt, conséquence d'un doute qu’évoque Marcel Tessier : «...au fur et à mesure que le projet avançait avec les turbines à gaz, on se rendait compte que la puissance risquait d'être insuffisante. On s'aperçoit d’ailleurs maintenant que si on avait continué dans cette voie, on n'aurait pas disposé de la puissance nécessaire pour faire le TGV-Atlantique. Ne parlons pas des nuisances sonores et des odeurs de pétrole causées par la densité de trafic dans les gares.../ Lorsqu'en 1969 nous avons présenté C03 au Gouvernement, Guibert qui savait bien que nous avions dans nos cartons la variante en traction électrique nous a demandé de ne pas en faire état, même auprès du président Ségalat. Ce n'est qu'une fois le principe du projet Paris-Lyon accepté en 1974 que nous avons pu dire que nous saurions faire un TGV électrique» *. Cette version de TGV électrique est mise au point depuis 1972 grâce à l'automotrice 'Zébulon' ; «concrètement dit Jean Bouley le nouveau directeur du matériel, "la question était de savoir si l'on saurait faire des bogies stables. Ce qui était neuf avec 'Zébulon', c'était la grande vitesse sur une automotrice, c'est-à-dire dans une boite à chaussure et avec de petits moteurs car on n'avait pas la place d'en mettre de gros. Par conséquent, la transmission était le point crucial de l'expérimentation. Nous n’avons trouvé qu’une seule solution, la transmission tripode employé dans l'industrie automobile" *.  En 1978, le premier exemplaire de TGV électrique (série 23000) sort des usines Alsthom de Belfort. Il est la tête de série d'une centaine de rames à livrer jusqu'en 1984. Inspirée du TGV-001, il se présente comme une rame articulée, insecable, de 250 à 350 places. Le captage du courant est assuré par des pantographes à doubles étages via une caténaire posée à hauteur constante. Le 28 février 1981, le TGV-23016 avec Jean Dupuy en cabine décroche un nouveau record de vitesse sur rail à 380 km/h et le 17 septembre suivant, la ligne du TGV-SE est inaugurée par le président François Mitterrand. Désormais, la relation Paris-Lyon sera assurée en deux heures à la vitesse commerciale de 270 km/h, faisant oublier aux lyonnais leur complexe provincial.


Un nouveau réseau

Lors de l'inauguration du TGV-SE, le président  Mitterrand annonce la réalisation du TGV-Atlantique. En fait, la décision avait déjà été prise par Jean-Pierre Fourcade, le ministre des Finances en 1977. Malgré les réticences du président de la SNCF, André Chadeau, considérant les projections qui démontrent que le TGV-A n'atteindra pas le seuil de rentabilité, en 1981 la nouvelle majorité socialo-communiste avec Charles Fiterman au ministère des Transports apporte son soutien à la réalisation d'un réseau de lignes à grande vitesse.  La première section du TGV-A ouverte en 1989 permet l'installation d'une gare à Massy-Palaiseau permettant la connexion entre les  TGV-A et TGV-SE et une relation directe entre Nantes et Lyon. La ligne à grande vitesse prolongée jusqu'à Rennes et à Bordeaux en 2017 met la capitale bretonne à moins de deux heures de Paris et celle de l'Aquitaine à trois heures. Le matériel du TGV-A apte à circuler à 300 km/h présente un certain nombre de perfectionnements, l'adoption de moteurs asynchrones autopilotés, l'adoption d'une suspension pneumatique et l'augmentation de la capacité des rames qui passent de 8 à 10 voitures avec une augmentation de 30 % du nombre de voyageurs. En 1984, la mise en service de la ligne à grande vitesse Paris-Lille amorce l'européanisation du réseau TGV. Avant la fin du siècle, le succès du 'Thalys' qui relie Paris à Bruxelles en 2h 40 a raison de la concurrence aérienne, tandis que les rames 'PBKA' monopolisent les relations vers Amsterdam et Cologne. La liaison Paris-Londres est liée à la réalisation du tunnel sous la Manche dont les projets initiaux remontent au XIXème siècle et dont il a été décidé en 1959 qu'il serait ferroviaire. Après moult atermoiements, la première ministre Margaret Thatcher et le président François Mitterrand décident sa construction, son chantier étant confiée au consortium franco-britannique 'Trans Manche Link'. Achevé en 1994, il permet de relier la gare du Nord à Paris et du Midi à Bruxelles à celle de Waterloo à Londres grace à des trains 'Eurostar' adaptés au gabarit britannique, aptes à fonctionner sous l'alternatif 25 kV-50 Hz en France, le 3000 volts c.c. en Belgique et le 850 v c.c. par troisième rail du réseau 'Southern' en Angleterre. En 2003, la mise en service de la ligne à grande vitesse entre le tunnel et Londres-St Pancras électrifiée en alternatif haute tension et mise au gabarit continental permettra de réduire à une heure et demie la durée du trajet entre les deux capitales. En 2001, le TGV-Méditerranée atteint Marseille en mettant la cité phocéenne à 3 h 15 de Paris. La ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg ouverte en 2016 permet la circulation des trains 'ICE' de la 'Deutsche Bahn' où est réalisé le dernier record du monde de vitesse sur rail à 575 km/h avec un 'TGV-duplex' spécialement modifié. Dans les dernières décennies du XX° siècle, le TGV a continué à tirer la croissance du trafic voyageurs de la SNCF avec une augmentation d'environ 10% du nombre de passagers par an et une hausse de 25 % de l'excédent brut d'exploitation. Soucieuse de remplacer le concept d'usager par celui de client, elle a adopté des règles de managements inspirées de ceux des compagnies aériennes (yield management). Certes, la mise au point laborieuse de Socrate son nouveau système de réservation a pénalisé le bilan de son président Jacques Fournier et pour diversifier son offre, la SNCF lance en 2017 le TGV low-coast Ouigo.


La SNCF, une entreprise comme une autre?

La réussite du TGV n'a pas empêcher la SNCF d'échapper aux contradictions inhérentes à la gestion d'un service public. Placé à sa tête en 1985, Jean Dupuy le promoteur du TGV doit quitter la SNCF en 1987 pour avoir proposé à son personnel de moduler l'avancement à l'ancienneté. «Je suis de ceux qui pensent et c'est l'une des raisons qui m'ont conduit à reprendre, comme on dit, sa liberté que l'avenir est entièrement commandé par une prise de conscience de son personnel en face des évolutions à venir. Les cheminots vont devoir comprendre que le destin du chemin de fer est entre leurs mains et que, s'ils veulent continuer à jouer la partie, ils devront réévaluer leur situation par rapport à la vie économique nationale.../ J'ai quitté la SNCF parce que j'estimais n'être plus en situation de pouvoir y faire ce que je jugeais indispensable - on doit d'ailleurs dire que les pouvoirs publics partipent à cette espèce d'inhibition - [à savoir que] je me suis fait clouer au pilori parce que j'avais essayé d'y introduire [1986] un peu d'avancement au mérite... " *. La question de la régionalisation offre le même paradoxe d'une entreprise qui a réussi sa modernisation technique, mais dont les TER chargés des transport régionaux doivent compenser la propension des Français à l'usage de l'auto particulière.

La SNCF est-elle une entreprise comme une autre? Pour essayer de la libérer du poids d'un déficit endémique estimé à une vingtaine de milliards d'Euros, une directive européenne (91/44018) préconise de séparer la gestion de l'infrastructure de l'exploitation dans les services de transport. En 1997 les pouvoir publics créent Réseau ferré de France (RFF) pour lui confier la charge de l'infrastructure et de ses aménagements, pour lesquels la nouvelle entité pourra s'appuyer sur la collation de droits de péages. Or, compte tenu du volume des investissements engagés - notamment le financement de la LGV-Est dont RFF supporte le quart (530 M€) parmi d'autres subventions européennes -, comme du manque de subventions compensatrices de l'Etat, l'endettement du gestionnaire de réseau atteint le sommet de  33,7 milliards d'€uros, moyennant quoi  sa réunification avec la SNCF est décidée en 2015. Une autre conséquence de la politique libérale de la Communauté européenne - tout aussi inconséquente, compte tenu du rôle tenu par la SNCF en la matière - consiste à lui demander d'abandonner ses fonctions de recherche-développement pour les céder à l'industrie. C'est ainsi que François Lacôte, un X Ponts responsable de la conception du 'TGV-Duplex' est amené à quitter la direction du matériel, pour rejoindre Alstom-Transport, ce dont il s'explique en 2009 dans la revue 'La Jaune et la Rouge': "je voulais continuer à faire un métier qui le passionne, (alors que) les directives européennes étaient claires : la SNCF n'était plus autorisée à mener des projets industriels" et Alstom conçoit la nouvelle génération de 'TGV-M' dont la mise en service est prévue en 2024. Reste que par le flux de voyageurs qui lui est confié, par ses capacités de tonnage transporté, automatisé et mû par l'électricité, irremplaçable, le chemin de fer continue de bénéficier d'augures favorables.




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