'De l'enseignement à la science en train de se faire'


le Collège de France


Jean-François Picard (avril 2023)


Bien que son histoire soit largement documentée (cf. bibliographie), la date de création du Collège de France demeure approximative. Né au début du seizième siècle dans l'Europe de la Renaissance, le Collège royal est du à l'initiative de Guillaume Budé (1467-1540), le maître de librairie du roi François premier auquel il a suggère d’instituer un collège de lecteurs pour le grec, le latin, l'hébreu, la médecine, l'arabe et les mathématiques. Il précède d'un siècle l'installation de l'Académie des sciences qui sera créée par Colbert en 1666 et qui, contrairement à lui, n'est pas chargé d'enseignement. A sa création, la devise du Collège, 'docet omnia' (Il enseigne tout), consistait dans la transmission du savoir vis-à-vis d'une Sorbonne détentrice du monopole d'un enseignement  scolastique, c'est-à-dire d'une spéculation fondée sur le commentaire des textes bibliques hors de toute approche critique. Fort d'une liberté intellectuelle qui le distingue du monde universitaire, le Collège traverse sans coup férir la Révolution de 1789 et l'Empire. Sis à Paris au carrefour de la rue Saint-Jacques et de la rue des Ecoles au voisinage de la Sorbonne, le premier bâtiment est réalisé par l'architecte Jean-François Chalgrin en 1780. Devenu Collège impérial, l'institution reçoit son nom actuel en 1870 à la fin du second Empire.

Le XIXe siècle développement du Collège, tant par l'ampleur des découvertes qu'on y fait que par son indépendance vis-à-vis du pouvoir. Les anciens lecteurs royaux sont devenus des professeurs chargés de disciplines aussi diverses que l’étude des grandes civilisations, la physique atomique et les mathématiques, s'étendant de la biologie et de la médecine à la philosophie et de l’histoire à l’économie esprit républicain / progressisme .

Chargé de la recherche en train de se faire et de l'enseignement qui en procède, la pérennité de cette double vocation a contribué à assurer la suprématie intellectuelle de l'institution au cours des deux derniers siècles. A l'opposé du système de chaires responsable des rigidités institutionnelles de l'université fixée par Napoléon, puis réformée sous la III° République, le Collège a toujours eu vocation à choisir des maitres en fonction de leur renomée scientifique et de leur aptitude à la découverte. Les cours y sont accessibles à tous, gratuitement et sans inscription, mais contrairement à l'université ne préparent à aucun examen, ni n'aboutissent à aucun diplôme. Les nominations s'y opèrent par cooptation; la création d’un enseignement y est proposé par l'assemblée des professeurs avec à sa tête un administrateur doté d'un rôle majeur; aucun grade n’est requis de celui qui se présente à ses suffrages, seules comptent l’importance et l’originalité de travaux selon des dispositions qui permettent à l'organisme de s’adapter facilement à l’évolution des connaissances. Ainsi, le fonctionnement du Collège de France est caractérisé par une somme de trajectoires individuelles - il arrivera qu'un chimiste puisse succèder à un indianiste ou que l'économie remplace la littérature latine - et l'on voudrait évoquer ici quelques unes des personnalités qui en ont marqué cette histoire au cours des deux derniers siècles  

  Une tour d'ivoire, le Collège de France siège de l'élite de l'intelligensia française et, plus récemment, francophone ////  devenir prof du Collège non seulement récompense d'une renommé mais aussi le lieu où s'exercent des préoccupations d'enseignement jusqu'à aujourd'hui /// évoquer ici par quelques jalons biographiques



Humanités et civilisations


Les humanités inscrites dans la tradition scientifique et pédagogique du Collège de France répondent à l'idée qu'une vérité universelle serait accessible à la raison humaine. Elle explique la place majeure tenue par l''étude des civilisations disparues dans l'institution. Ainsi, l'égyptologie est née des travaux de Jean-François Champollion  (1790–1832)  le premier à avoir déchiffré l'écriture cunéiforme de la Pierre de Rosette, un succès qui lui vaut d'être nommé à la chaire d'antiquités égyptiennes du Collège de France.  En 1872, l'un de ses successeurs, Gaston Maspero (1846-1916), le 'gentleman égyptologue' sera même nommé administrateur du Collège où il installe une tradition d'études des civilisations anciennes qui a façonné la réputation humaniste de l'institution. Celle-ci a perdure jusqu'à nos jours et l'on peut citer par exemple le cas de la Gaule préromaine avec Christian Goudineau (1939-2018), de la Grèce antique avec des héllénistes Jacqueline de Romilly (1913-2010), première femme à accéder au Collège de France en 1973, et Jean-Pierre Vernant (1914-2007), de Byzance avec Gilbert Dagron (1932-2015), non sans que cela provoque des polémiques à propos du génocide arménien lors de l'élection de Gilles Veinstein, la Rome antique avec Paul Veyne (1930-2022), l'Amérique précolombienne avec Jacques Soustelle (1912-1990) qui eut un destin politique agité ou l'Extrême-orient avec .... pour la Chine ou le Japon avec Bernard Frank (1927-1996).


'Jésus, un homme incomparable'

au XIX° siècle, le Collège de France est durablement marqué  les  humanités voient l'essor du positivisme d'Auguste Comte ainsi que par l'héritage républicain de la grande Révolution. Au Collège l'opposition au pouvoir impérial de Napoléon III est incarnée par Ernest Renan (1823-1892). Formé au séminaire de Tréguier, les certitudes de la physique et des sciences naturelles lui sont révélées par son ami Marcellin Berthelot (cf infra). Nommé à la chaire de langues hébraïque, chaldaïque et syriaque du Collège de France, Renan y expose son projet de soumettre la Bible au même examen critique que n'importe quel autre document historique. Le 11 janvier 1862, dans sa leçon inaugurale, il oppose le 'psychisme du désert' des peuples sémites qui sont aux sources du monothéiste au 'psychisme de la forêt' des Indo-Européens dont le polythéisme seraît modelé par une nature changeante.  Comment parler de civilisation sémitique sans parler de Jésus demande t-il ? "Autant permettre à un botaniste de parler de racine, mais pas de fleur ni de fruit. Je devais donc nommer Jésus. Ne devais-je le faire qu'en usant de formules théologiques impliquant sa divinité ? Je ne le pense pas. Je n'ai pas pris mon sujet en théologien, mais en historien" et il prononce cette phrase demeurée célèbre, cause de sa révocation deux ans plus tard :  "au milieu de l'énorme fermentation où la nation juive se trouve plongée, l'événement moral le plus extraordinaire dont l'histoire ait gardé le souvenir se passe en Galilée, la survenue d'un homme incomparable".  Alors que le pape Pie IX qualifie Renan de « blasphémateur européen », le ministre de l'Instruction publique, Victor Duruy, supprime son cours. En fait, la vie de Jesus forme le premier volume de l''Histoire des origines du christianisme' que Renan publiera jusqu'en 1881, alors que magistralement réhabilité par la III° République, il devient administrateur du Collège de France. Dans 'Qu'est-ce qu'une nation?' (1882), il distingue les concepts de race et de nation; à la différence des races, les nations se sont formées à partir d’une association volontaire d’individus : "ce qui constitue une nation est d'avoir fait de grandes choses ensemble (et de) vouloir en faire encore". Sa posterité se mesure à l'importance de l'influence exercée sous trois républiques successives, la 'Société Ernest Renan' est fondée en 1920, le 'Cercle Ernest Renan' en 1950 jusqu'à la création de la 'Société des études renaniennes' en octobre 1968, cette dernière à l'instigation de Jean Pommier (1893-1973) le titulaire de la chaire d'histoire des créations littéraires au Collège de France.

'La Révolution comme un tout'

Avec Jules Michelet (1798–1874),l'histoire constitue un autre ferment de l'esprit républicain au Collège de France. En 1831, Michelet entreprend une monumentale 'Histoire de France' qui va l'occuper les trente années suivantes. Le 23 avril 1838, il donne sa première leçon, mais le coup d’État du 2 décembre 1851 a pour effet de le destituer comme d'ailleurs son collègue et ami Edgar Quinet. En 1867, dans l'Histoire de la Révolution française qui constitue le cinquième tome de sa grande œuvre, Michelet offre une interprétation quasi théologique de l'histoire de France, opposant au  bon plaisir d'un roi de droit divin, la religion moderne de la justice telle qu'instaurée par la volonté générale. Le pouvoir retiré à la bourgeoisie autant qu'à la noblesse, scelle l'initiative révolutionnaire rendue au peuple. Mais il s'interdit de maudire 1793 et la dictature révolutionnaire au nom de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789; la Révolution s'appartient toute entière, une et indivisible. Selon Gabriel Monod le fondateur de la Revue historique, " l'inventeur flamboyant de notre histoire nationale (a donné) sa vision de l’histoire comme un long combat de la liberté contre la fatalité". Malgré certaines faiblesses dans le traitement des sources, Michelet est considéré comme le premier représentant de l''historicisme', une approche pour laquelle les courants de pensée et les valeurs d'une société sont liés au contexte historique de cette société. 'De la dénégation à la consécration', grâce à Paul Viallanex, la collation et le déchiffrement des cours donnés au Collège de France de 1838 à 1851 ont permis de réévaluer son œuvre.

Intelligence et intuition

Au Collège, le début du XX° siècle se manifeste par un renouveau de la spiritualité. La notoriété du philosophe Henri Bergson (1859-1941) aussi soudaine qu'immense s'explique en partie par une réaction contre le scientisme d'Ernest Renan.  En 1900, Bergson qui vient d'être nommé professeur à la chaire de philosophie moderne du Collège de France veut appliquer la démarche expérimentale aux questions métaphysiques. Dans ‘Matière et Mémoire’, il soutient une conception dualiste de l'être qui veut que l'esprit existe par lui-même et n'est pas le produit d'une activité biologique du cerveau. Bergson distingue l'intelligence de l'intuition qu'il illustre par la fameuse métaphore de l’eau sucrée : « si je veux me préparer un verre d'eau sucrée, j'ai beau faire, je dois attendre que le sucre fonde. Ce petit fait est gros d'enseignements. Car le temps que j'ai à attendre n'est plus ce temps mathématique qui s'appliquerait aussi bien le long de l'histoire entière du monde matériel, lors même qu'elle serait étalée tout d'un coup dans l'espace. Il coïncide avec mon impatience, c'est-à-dire avec une certaine portion de ma durée à moi, qui n'est pas allongeable ni rétrécissable à volonté. Ce n'est plus du pensé, c'est du vécu ». 

En 1937, l'élection de Paul Valéry (1873-1945) au Collège de France, contre l'historien Lucien Febvre (cf.infra), s'explique en partie par son amitié avec Bergson. Devenu un poête officiel à la suite de la publication de la 'Jeune Parque' vingt ans plus tôt, Hector Bianciotti a évoqué la manière dont Valéry avait compris combien l'assemblage de mots peut masquer la banalité d'un propos. Au lieu de dire : «nous savons maintenant que les civilisations sont mortelles », l'orfèvre de la langue cède la place aux civilisations elles-mêmes : « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ».

Hanté par la question de la conversion, Bergson a marqué profondément les penseurs contemporains, notamment les historiens des religions. Elu au Collège en 1932, le philosophe Étienne Gilson (1884-1978) défend un exercice chrétien de la raison en s'appuyant sur l'œuvre de Thomas d'Aquin. Gilson entend démontrer que les problèmes de l'existence de Dieu, de la création du monde, de l'immortalité de l'âme ou du libre arbitre sont entrés dans la philosophie grâce au christianisme. Engagé en politique au 'Mouvement républicain populaire' (MRP), au début des années 1950 ses prises de position contre l'alliance Atlantique (OTAN) lui valent une vive polémique suivie de son retrait du Collège de France, malgré sa défense par Hubert Beuve-Méry, le directeur du 'Monde' où il était un chroniqueur attitré.

L'œcuménisme est représenté par Jean Delumeau (1923-2020), un historien des religions soucieux de rassembler les religions monothéiste au sein d'une intercommunion pratiquée entre catholiques et protestants. Quant à l'islamologue Louis Massignon (1883-1962) nommé professeur au Collège en 1926, il a contribué à améliorer la connaissance de l’islam en prônant la nécessité de réconciliation des religions abrahamiques. "Pourquoi un seul Dieu? Le Dieu d'Abraham a-t-il voulu trois révélations ? .../ Je reproche à beaucoup de chrétiens leur attitude de mépris à l'égard de Mohammed, un homme qui ne s'est pas "déifié", qui a transmis avec sincérité et authenticité un message de l'au-delà". Mais pour ses détracteurs, il reste un savant illisible, un chrétien illuminé doublé d'un islamophile invétéré et d'anti-sémitisme.



Science pure et recherches appliquées


De la physique à la chimie et à la biologie, le Collège de France a tenu un rôle majeur dans le développement des sciences expérimentales avec l'émergeance de certaines disciplines. Ainsi, il revient à l'autodidacte André-Marie Ampère (1775-1836) élu à la chaire de physique en 1824 d'avoir inventé l'électrodynamique. Avec son expérience consistant à faire passer un courant électrique au voisinage d'une boussole pour observer la déviation de l'aiguille, Ampère constate que la direction dans laquelle elle se déplace dépend de la direction du courant électrique, ce dont il déduit la règle du 'bonhomme d'Ampère'. Bien après sa mort, la mesure internationale de l'intensité des forces électromotrices - l''ampère' - sera l'une des bases de la seconde révolution industrielle qui a vu le développement de l'éclairage et de la force motrice.


La chimie, une pratique expérimentale

Autre figure emblématique Marcellin Berthelot (1827 -1907) dont l'effigie orne le square de la rue des Ecoles devant le Collège de France. Le chimiste a fait la connaissance de Renan au lycée Henri-IV, marquant le début d'une amitié qui les liera jusqu'à la mort. Tous deux s'étaient engagés à ne pas faire de grande école et ils effectué leurs études Renan à la Sorbonne, Berthelot à la faculté de Pharmacie. C'est dans cette dernière à suite d'une série d'articles sur le glucose, que sur la recommandation d'Antoine-Jérome Balard Berthelot entre au Collège France en 1851, titulaire de la chaire de chimie organique ouverte à son intention. Dans son livre 'Autopsie d'un mythe', le chimiste Jean Jacques,  rappelle que Berthelot restait hostile aux nouvelles théories atomistes : "la chimie (étant) une science strictement positive, c’est-à-dire une pratique expérimentale, (elle devait rester) libre de toute hypothèse superflue sur la structure exacte de la matière".  Lors de la guerre de 1870, Berthelot préside le comité du service des poudres, ce qui lui ouvre une carrière politique sous la III° République en tant que ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts (1886), puis des Affaires étrangères (1895). Dans 'Science et Morale' publié 1896, il affirme que l'essor des connaissances dans le domaine des sciences, des humanités, des sciences sociales et de l'art doit rester libre de toute préoccupation mercantile. Bien qu'ayant déposé lui-même plus de mille brevets, Berthelot réfuse les propositions d'achat en arguant qu'il avait travaillé pour le bien de l'humanité. Reste qu'à la fin du XIX° siècle, en chimie comme en physique la France reste en arrière de la seconde révolution industrielle active en Allemagne et en Amérique.


La théorie de la relativité

La physique nucléaire est à l'origine de profonds changements au Collège de France jusque-là essentiellement voué  à la science pure et désintéressée. Le début du XX° siècle voit l'institution soutenir des applications de la recherche, voire à servir de matrice pour l'installation de nouveaux organismes. Initialement formé dans une école d'ingénieurs, l'École municipale de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI), Paul Langevin (1872 -1946) s'oriente vers la recherche et l’enseignementsur les conseils du physicien Pierre Curie en intégrant l'Ecole normale supérieure (ENS).  Nommé au Collège de France à la  chaire de physique générale et expérimentale en 1909, il y introduit la théorie de la relativité, discutée au sein de la Mecque de la physique que sont les Congrès Solvay. Pendant la Grande Guerre, il met au point un détecteur ultra-sonore d'ondes sous-marines (sonar) grâce à la piézoélectricité du quartz découverte par Pierre Curie. Le 6 avril 1922, lors d'une réunion restée célèbre au Collège de France, il invite Albert Einstein à donner une conférence sur la théorie de la relativité. A cette occasion le concept de temps universel illustré par la métaphore de l'eau sucrée de Bergson est fortement contestée (cf. supra). Conséquence d'un engagement politique qui remonte à l'affaire Dreyfus, au début des années 1930, avec son collègue et ami Jean Perrin Paul Langevin fonde l'Union rationaliste, une association franc-maçonne appelée à jouer un rôle majeur dans l'organisation de la recherche.


Le cyclotron du Collège de France

Eleve de Langevin à l'ESPCI, après un stage dans l'industrie sidérurgique, Frédéric Joliot (1900-1958) entre à l'Institut du radium où il épouse la fille de la patrone, Irène Curie. Avec elle, il partage le Nobel de 1935 pour la découverte de la radioactivité artificielle. La réussite tres mediatisée des deux jeunes héros de la recherche française, voit Irène nommée première femme ministre de la recherche du Front populaire, tandis qu'en 1937, grâce au soutien de Langevin, son époux est nommé professeur au  Collège de France. Aidé par son administrateur, le médiéviste Edmond Faral (1882-1958), soutenu par la Fondation Rockefeller, Joliot obtient la construction au Collège de France du premier cyclotron européen.  En 1939, Frédéric Joliot et ses collaborateurs Hans v. Halban et Lew Kowarski expérimentent la fission de l'uranium et déposent trois brevets, deux en vue de production d'énergie, le troisième au perfectionnement de charges explosives. Avec la défaite de 1940, Halban et Kowarski s'embarquent pour l'Angleterre, tandis que Joliot décide de rester en France afin de poursuivre la mise au point du cyclotron désormais sous emprise allemande.  Membre du Front national universitaire et rallié au Parti communiste, le 20 aout 1944 Joliot est placé à la tête du CNRS  par le psychologue Henri Wallon (1879-1962) son collègue au Collège de France. Dans un organisme écartelé entre la recherche académique et les développements de la 'Big Science', Joliot se heurte à ses collègues universitaires soucieux de préserver leurs prérogatives. En 1945, il est nommé par le général De Gaulle à un poste qui correspond mieux à ses préoccupations, la direction du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Cependant, devenu une personnalité emblématique du Parti communiste, les campagnes contre l'armement atomique menées par le Mouvement de la paix  lui valent d'être destitué cinq ans plus tard par un gouvernement de la IV° République. Replié sur le Collège de France, le 6 mai 1950 'Le Monde' rend compte des acclamations reçues au début de son cours : "couloirs et escaliers étaient remplis ce matin d'une foule inaccoutumée, qui n'avait pu trouver place dans l'amphithéâtre bondé. Pour la première fois depuis que le gouvernement a mis fin à ses fonctions de haut commissaire à l'énergie atomique, M. Joliot-Curie faisait son cours. Lorsque vers 11 heures, le savant, sortant de son laboratoire, se fraya un chemin vers l'amphithéâtre, les applaudissements crépitèrent. Ils se muèrent en Marseillaise lorsqu'il prit place derrière un bureau submergé de fleurs".

 

Emménager à Polytechnique?

Polytechnicien contemporain de Joliot, spécialiste de la physique nucléaire, mais d'un bord philosophique différent, Louis Leprince-Ringuet (1901-2000) a été membre de l'Académie pontificale des sciences. Entré au Collège de France en 1959 où il manifeste sa volonté de réformes, il heurte à la difficulté d'adapter l'institution aux contraintes de la science lourde comme l'est devenue la phyique et ses accélérateurs de particules de plus en plus gigantesques.  En juillet 1966  lors du déménagement prévu de l'Ecole Polytechnique à Palaiseau, il évoque dans 'Le Monde' l'éventualité d'installer certains services à l'étroit au Collège de France dans les locaux libérés par l'Ecole polytechnique : « Il est certain que nous ne pouvons pas vivre actuellement dans les locaux classiques du Collège. Ils sont infiniment trop exigus.  Nous ne pourrons jamais espérer avoir au Collège l'équivalent d'un réacteur à haut flux ou d'un grand accélérateur de particules.  Notre physique nucléaire du Collège, qui avait connu des succès admirables lorsque Joliot la dirigeait, connaît depuis la mort de celui-ci de bons succès grâce à une coopération active avec le C.E.R.N. …./ Si l'École polytechnique, à laquelle j'appartiens également, quitte la Montagne-Sainte-Geneviève pour Palaiseau dans cinq ou six ans, il me semble que l'occupation de ses locaux par le Collège résoudrait pratiquement tous les graves problèmes de croissance qui se posent pour cette institution " (Le Monde, 20 juillet 1966). En fait, les anciens locaux de l'X seront finalement affectés au ministère de la Recherche


Un mathématicien réformateur

Aux cotés des philosophes et des  littéraires largement majoritaires au Collège de France, les mathématiciens se sentent peu concernés par les besoins de la science lourde.  Fort de leurs compétences individuelles, comme les physiciens théoriciens tel Claude Cohen-Tannoudji ils n'ont besoin pour leurs recherches que de peu de moyens matériels, un simple tableau noir et une craie dit-on.  Depuis sa création en 1936 le Collège peut ainsi revendiquer quatre médailles 'Fields' avec Jean Pierre Serre pour la géométrie algébrique, Alain Connes pour l'algèbre d'opérateurs, Pierre Louis Lions pour les équations différentielles et  Jean-Christophe Yoccoz pour les fractales. Pourtant l'un d'entre eux, André Lichnerowicz (1915-1998), un spécialiste de la génométrie différentielle, s'est préoccupé de rapprocher l'enseignement supérieur et la recherche scientifique. Elu en 1952 à la chaire de physique mathématique du Collège de France, il est l'un des principaux organisateurs du colloque de Caen, avec Jacques Monod (1910-1976) (cf. infra) et Jean Dausset (1916-2009), dont l'une des recommendations consistait à créer un corps d'enseignants-chercheurs destiné à faciliter le passage de l'université vers la recherche et vice-versa. En 1959, 'Lichné' est appelé à siéger au Comité des Sages charger d'orienter une Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST) par laquelle la V° République cherche à remédier aux insuffisances de relations entre le CNRS et l'Enseignement supérieur. Mais si la DGRST réalise d'importantes réformes de structure, confrontée aux réticences du monde universitairemais, elle renonce à intervenir dans l'organisation de l'enseignement supérieur. Au lendemain des événements de 1968, 'Lichne' qui n'a pu imposer ses vues démissionner de la mission confiée par le ministre de l'Education nationale  : "aucune solution ne peut être trouvée dans le cadre de l'université maintenue dans des structures centralisées depuis Napoléon. Le système français du recteur-préfet est mort. Il faut le remplacer par un président élu de chaque université, comme l'avait d'ailleurs demandé le colloque de Caen de 1956" (Le Monde, 12 février 1969)


'Les tribulations de la liberté'

L'intervention du Collège de France pour réformer l'Enseignement supérieur se solde donc par un échec qui était probablement prévisible, En mars 1968, c'est-à-dire à la veille des événements, Jean Lacouture et  Claudine Escoffier-Lambiotte  publient dans 'Le Monde' une grande enquête sur le Collège titré 'les tribulations de la liberté' dans laquelle ils dénoncent le manque de moyens attribués à l'institution depuis l'après-guerre. Sur les dix-neuf chaires que compte le Collège en sciences exactes, dix seulement sont pourvues de laboratoires. Le choix d'un titulaire implique donc qu'il soit au préalable doté, notamment en personnel hautement qualifié, par d'autres établissements scientiifques, CNRS, CEA, Inserm, etc. Du coté des sciences humaines sur trente-trois chaires, seules quatre disposent d'un modeste cabinet. Pour les autres, faute de salle commune les entretiens doivent se dérouler dans les couloirs souligne 'Le Monde'. A la suite des événements de 1968, une délégation du personnel se rend  au ministère de l'Education nationale pour évoquer l'opposition endémique qui oppose les chercheurs et les techniciens affectés au Collège aux professeurs titulaires de chaires. Si parmi ces derniers certains sont favorables à ces revendications, notamment ceux qui disposent de laboratoires importants, d'autres estiment que la vocation naturelle du Collège n'est pas d'abriter de gros laboratoires, mais de mener des recherches de pointe avec des équipes légères.  Moyennant quoi, en novembre 1972, 300 techniciens et chercheurs manifestent pour demander la stabilité l'emploi, menacée par la mise à la retraite de Louis Leprince-Ringuet, de Francis Perrin (1901-1992) et de Jean Roche. Au lendemain de la crise de l'énergie, 'Le Monde' du 16 mars 1976 rappelle que la maigre  subvention du collège, 11,5 millions de francs, est grignotée par l'augmentation des charges salariales et déplore une situation qui trahit  "...le manque d'intérêt  des pouvoirs publics pour une institution  jugée surannée et peu rentable".



Les sciences de la vie


Du XIX° siècle  jusqu'à la fin du XX°, l'avancée des connaissances  dans les sciences de la vie a souvent été le fait d'initiatives individuelles.  Au Collège de France, le Franc-Comtois Georges Cuvier (1769-1832), le  promoteur de la paléontologie des vertébrés a participé à la fondation du Museum national d'histoire naturelle avant d'être nommé à la chaire d'anatomie comparée du Collège de France en 1800. En proposant une taxonimie du règne animal en quatre embranchements - articulés, vertébrés, mollusques, radiaires -, Cuvier se présente en défenseur résolu de la fixité des espèces, hostile aux thèses évolutionnistes de son ainé Jean-Baptiste de Lamarck, voire en contradiction avec les thèses darwiniennes sur l'origine des espèces; le darwinisme donnant matière aux travaux sur les origines de l'homme du paléontologue Yves Coppens (1934-2022)  élu au Collège de France en 1983.


La physiologie et la médecine


Le rôle du Collège n'a pas été moindre dans les progrés de la médecin en même si la physiologie s'est développée hors de la Faculté. En évoquant la 'Naissance de la clinique', Michel Foucault (cf. infra) cite l'invention du stéthoscope par René Théophile Laënnec (1781–1826), l'instrument qui a révolutionné la technique de l'auscultation. Nommé en 1822 à la chaire de médecine pratique du Collège de France Laënnec est avec son confrère le vitaliste Xavier Bichat, le pionnier de l'anatomo-pathologie et de la renomée de l'Ecole clinique française du XIX° siècle.

Avec la physiologie, la recherche médicale fait un pas décisif au Collège de France, mais paradoxalement de dehors de la clinique /// Successeur de François Magendie (1783-1855), Claude Bernard (1813-1878) inaugure la chaire de 'médecine expérimentale' du Collège de France en 1853. Pour Claude Bernard, les seules bases solides de la physiologie sont l'observation et l'expérience en laboratoire, en l'occurrence sur des chiens  qui lui ont permis de découvrir la fonction glycogénique du foie. Ainsi, dans son 'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale' (1865), Claude Bernard fait l'éloge de l'expérimentation menée en laboratoire : « je définirai donc la médecine expérimentale, écrit-il, comme une science fondée sur le principe que l'explication des phénomènes pathologiques doit être déduite des mêmes lois qui régissent les phénomènes normaux de la vie. D'où il résulte que le vrai problème de la médecine est de découvrir les lois communes à la physiologie et à la pathologie, en même temps qu'elle distingue les phénomènes physiologiques des phénomènes pathologiques». Mais comme la physiologie aboutit à récuser la maladie en tant qu'objet scientifique, elle heurte un monde médical pénalisé par son impuissance thérapeutique. Si dans 'Le legs de Claude Bernard', son biographe Mrko Grmek écrit "que l’intéressé était bien trop épris d’esprit scientifique pour cacher ses sentiments à l'égard de la médecine de son temps, cet art de faire croire aux gens qu'on les guérit", l'héritage bernardien et restera longtemps cantonné au Collège de France, au moins jusqu'à ce qu'un siècle plus tard les cliniciens n'introduisent la recherche physio-pathologique à l'hôpital en fondant l'Association Claude Bernard


 L'Institut de biologie physico-chimique et le CNRS

L'un des successeurs de Claude Bernard au Collège de France, le physiologiste André Mayer (1875-1956) passe son doctorat de médecine en 1900 sous la direction d’Albert Dastre,qui l’accueille à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) où il étudie la physiologie de la nutrition. Engagé volontaire en 1914, il dirige le laboratoire de physiologie des services chimiques de guerre. En 1915, à la suite de la première attaque aux gaz asphyxiants, André Mayer organise l’’Allied Chemical Warfare Service’ où il révèle ses qualités de planificateur alors que ses compétences sont louées par ses collègues anglo-saxons. Deux ans après son élection au Collège de France, en 1925 le baron Edmond de Rothschild et le physicien Jean Perrin lui demandent de participer à l'installation de l''Institut de biologie physico-chimique (IBPC). Cet organisme est destiné à réunir des physiciens, des  chimistes et des biologistes en vue d'étudier les mécanismes de la vie et en particulier le cancer dans un esprit d'interdisciplinarité, censé "...rompre avec les rigidités du dispositif de chaires universitaires, (pour) réaliser cette collaboration des professeurs entre eux, si souvent désirée, mais jamais organisée jusqu’ici à cause de l’organisation de notre université en facultés». André Mayer est au fait des progrès que le rapprochement de la biologie et de la biochimie apporte aux sciences de la vie et il est attentif aux développements de la 'molecular biology', une discipline surgie aux États-Unis qu'il déplore de voir ignorée en France par les naturalistes du Museum ou de la faculté des sciences. Inspiré par le fonctionnement de l'IBPC, au côté de Jean Perrin, André Mayer préside une commission chargée d'organiser le CNRS, mais la défaite de 1940 le pousse vers l’exil aux Etats-Unis alors qu'il est évincé de la direction de l’IBPC. En octobre 1945, il est élu premier président de la ‘Food & Agriculture Organization’ (FAO) et il retrouve  sa chaire du Collège de France. Quant au CNRS, la conception de Jean Perrin finira par prévaloir d'une caisse des sciences orientée par son comité national, mais en l'éloignant des principes d'interdisciplinarité préconnisés par André Mayer à l'IBPC.


 'La science des monstres'

L'embryologie a tenu une place plus importante au Collège de France et au CNRS qu'à l'université. La découverte de la folliculine, l'une des principales hormones sexuelles, permet à Robert Courrier (1895-1986) d'installer en 1938 la chaire de morphologie expérimentale et endocrinologie du Collège de France. Il participe aussi directement à l'installation du CNRS. Devenu secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, dans les années 1950, Robert Courrier soutient les expérimentations hasardeuses d'Antoine Priore censées traiter le cancer en s'opposant à son collègue Antoine Lacassagne (1884-1971), le directeur de l'Institut du radium et titulaire de la chaire de radiobiologie au Collège depuis 1941. L'embryologiste Etienne Wolff (1904-1996), l'auteur de 'La science des monstres' (Gallimard, 1948)  succède à Courrier en 1955 alors qu'il installe l'Institut d'embryologie et de tératologie expérimentales, une annexe du Collège située à Nogent-sur-Marne. Devenu administrateur de l'établissement en 1965, Wolff y plaide pour le rapprochement du CNRS et de l'université, mais il ne sera guère entendu. Lui succède Nicole Le Douarin, la deuxième femme nommée au Collège de France en 1988 après l’helléniste Jacqueline de Romilly (cf. supra). Le domaine d'investigations de madame Le Douarin porte sur l'embryologie du développement. Elle crée des embryons chimériques caille-poulet qui permettent de réaliser des avancées cruciales dans la connaissance des systèmes nerveux et lui vaut une solide réputation internationale.


Les Pasteuriens et la biologie moléculaire


Le prix Nobel de physiologie et de médecine 1965 est remis à trois pasteuriens, André Lwoff, Jacques Monod et François Jacob, ces deux derniers nommés professeurs au Collège de France, pour leur rôle dans la naissance d'une discipline nouvelle évoquée par Michel Morange dans son ''Histoire de la Biologie moleculaire'. Jacques Monod (1910-1976) a fait l'essentiel de sa carrière au sein de l'Institut Pasteur dont il deviendra le directeur en 1971. La génétique des micro-organismes lui permet de mettre en évidence l'existence d'une molécule servant de lien entre le génome (ADN) et les protéines, l'ARN messager dont son assistant et futur successeur dans ses fonctions, François Gros (1925-2022) réalise la synthèse. Monod a théorisé le mécanisme de l'allostérie ( ἄλλoς : autre et στερεός : solide) qui décrit le mode de régulation de l'activité d'une protéine qui modifie les conditions de fixation d'une autre molécule, donc le mécanisme de base de la génétique moléculaire. En 1967,  sa leçon inaugurale au Collège de France suscite des réactions qui remplissent les colonnes du journal 'Le Monde',  suscitant la publication de son célèbre livre 'Le Hasard et la Nécessité' dans lequel il évoque la biologie moléculaire : " le fait que de l’information (génétique) ne soit jamais transférée dans le sens inverse, c’est-à-dire d'une protéine à l'ADN, repose sur un ensemble d’observations si complètes et si sûres (avec) ses conséquences en théorie de l’évolution si importantes, qu’on doit la considérer comme l’un des principes fondamentaux de la biologie moderne". François Jacob (1920-2013)  son co-lauréat du Nobel avait interrompu ses études de médecine pour s'engager dans la 2ème DB où il fut blessé lors des combats de la Libération. Dans un livre de souvenirs 'La statue intérieure' (O. Jacob ), François Jacob raconte comment malgré un doctorat en médecine sur les antibiotiques, Louis Bugnard refusa de le recruter à l'Institut national d'hygiène, puis comment il rejoint l'équipe d'André Lwoff à l'institut Pasteur. En 1958, Jacob découvre que la lysogénie, I.e. la reproduction d'un virus, provoque la synthèse de la lactase chez des bactéries, un 'bricolage moléculaire' dit-il qui permet à l'opéron lactose d'échanger des gènes entre bactéries et de synthétiser des protéines comme il l'explique dans 'La logique du vivant', un livre dont rend compte le philosophe Michel Foucault. François Jacob est accueilli au Collège de France en 1964 dans une chaire nouvellement créée de  'génétique cellulaire', deux ans avant celle de Jacques Monod en 'biologie moléculaire'. Leurs travaux sont à l'origine de l'essor du génie génétique et des premières génothérapies dont celles réalisées à l'hôpital Necker par Alain Fischer qui sera nommé en 2014 à la chaire de médecine expérimentale inaugurée par Claude Bernard au Collège de France


L'essor des neurosciences

Le concept de neurosciences apparaît dans la langue anglaise à la fin des années soixante pour désigner la branche des sciences biologiques qui s'intéressent à l'étude du système nerveux. Indiscutablement, ce secteur est aujourd'hui l'un des plus dynamiques du Collège de France, 'là où la science est en train de se faire...' des travaux à la pointe des connaissances qui valent à l'institution une enviable réputation internationale. Jean-Pierre Changeux a fait sa thèse à l’Institut Pasteur sous la direction de Jacques Monod auquel il succèdera au Collège de France en 1975 dans une chaire de communications cellulaires. A partir de l’identification du récepteur nicotinique, la neuradrénaline, dans un livre écrit avec le mathématicien Alain Connes (cf. supra), 'Matière à penser' (O. Jacob 1989) Changeux a développé l'hypothèse d'un lien entre le système nerveux et les fonctions cognitives. Dans les années 1990, avec Stanislas Dehaene, entré au Collège de France en 2005, il développe le modèle d’un accès à la conscience fondé sur la mobilisation de réseaux neuronaux dans un espace de travail cognitif global.  Le système nerveux actif plutôt que réactif, l’interaction avec l’environnement au lieu d’être instructive, résulterait de la sélection de représentations internes issues de la sélection darwinienne. Spécialiste des neuromédiateurs, Jacques Glowinski (1936-2020) a commencé ses recherches dans le laboratoire d'Alfred Fessard (1900-1982), titulaire de la chaire de neurophysiologie générale du Collège de France. Glowinski entre au Collège de France en 1983 à la chaire de neuropharmacologie. Rendant compte de sa leçon inaugurale, la docteure Escoffier-Lambiotte évoque l'approche holiste dans laquelle s'inscrivent ses travauxi : "Il est deux façons d'aborder la complexité des mécanismes cérébraux. L'une, réductionniste, consiste en l'étude ponctuelle, approfondie, biochimique ou physique de l'un des systèmes-types d'action ou de transmission nerveuse : un transmetteur comme l'acétylcholine et son récepteur, par exemple. L'autre façon, que les travaux de Jacques Glowinski et de son équipe ont brillamment illustrée, consiste à passer du ponctuel au général, à l'organisation globale qui les coiffe, qui les régule et qui harmonise leurs actions, comme un ordinateur commanderait, par tout un réseau de communication et de transmission, le fonctionnement d'une usine ou le flux de la circulation dans une ville. Identifiant certaines de ces voies régulatrices, Glowinski a pu, sur des modèles animaux reproduire des comportements étrangement analogues à ceux des grands malades mentaux, sorte de dysrégulation "  (Le Monde, 31 janv. 1983)


Les neurobiologistes aux manettes

L'essor des neurosciences comme la qualité des chercheurs qui s'y consacrent explique leur prise de responsabilités à la tête du Collège de France. Devenu administrateur au début du XXI° siècleJacques Glowinski a le souci d'ouvrir l'institution à l'international. En 2004, convaincu que l'investissement dans la connaissance doit être un ferment de l'identité communautaire, il lance le débat " Science et conscience européennes. De même, confronté aux insuffisances de la dotation publique, il s'active pour développer les subventions du secteur privé au Collège de France.  Il préside le conseil d'administration de  La Fondation Hugot créée en 1979 pour favoriser le développement des activités du Collège de France et promouvoir des rencontres et échanges pluridisciplinaires, autour de tout ce qui touche à l’Homme, à sa culture et à son environnement. Dans les années 1980, en l'absence de subvention publique, cette fondation soutient la cartographie du génome humain menée au CEPH de Jean Dausset, professeur au Collège de France. En 2006, le cardiologue Pierre Corvol, titulaire de la chaire de médecine expérimentale succède à  Jacques Glowinski comme administrateur et il développe les liens avec la Fondation Bettencourt Schueller qui prend en charge la modernisation des locaux du Collège de France.  Alain Prochiantz a travaillé avec Jacques Glowinski. Titulaire de la chaire de 'Processus morphogénétiques' depuis 2007, il devient administrateur du Collège de France de 2015 à 2019. A l'encontre des dogmes en vigueur, les expérimentations pratiquées dans son laboratoire de l'ENS accréditent l'idée que deux cellules se communiquent une information de position en échangeant une protéine nucléaire et en changeant de forme, "un type sensé aurait conclu qu'il s'agissait d'un artefact ou aurait fait semblant de n'avoir rien vu dit Prochiantz. Naïvement, avec Alain Joliot et Michel Volovitch, nous avons creusé l'hypothèse (car) ne pas le faire aurait été immoral", une remarque provocatrice qui n'en traduit pas moins le maintien de l'institution à l'extrême pointe des connaissances.



Economie et Société

La première chaire d’enseignement de l’économie confiée à Jean Baptiste Say (1767-1832) fut créée en 1820 au Conservatoire des arts et métiers. Industriel du textile, Say a été le témoin de la première révolution industrielle. Dans son traité d'économie politique, son maître-ouvrage paru en 1803, se trouve la célèbre loi des débouchés portant sur la confrontation de l'offre et de la demande. Il est l'un des premiers à étudier l'entrepreneuriat et les entrepreneurs et les posant comme principaux acteurs du tissu économique.  En 1830, peu de temps avant sa mort, Say est élu au Collège de France pour occuper la première chaire d'économie politique. Fief des écoles d'ingénieurs plus que de l'université,   la faculté de droit de Paris ne s’est ouverte que très timidement à l'économie. Il faut attendre lles années 1950 pour qu'elles deviennent de droit et de sciences économiques et alors que la licence n'est créée qu'en 1959


Colbertisme et économie sociale

Le dirigisme économique se développe en France au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, rapprochement de l'économie et de la démographie. Pour l'Etat-providence le bien être de la population ne saurait se dissocier de son niveau de vie. Pour le polytechnicien  Alfred Sauvy (1898-1990) le problème économique et social repose sur la souci nataliste et il fonde l'Institut national d'études démographiques avant de devenir en 1959 professeur de 'démographie sociale' au Collège de France. Tradition Colbertiste l'État doit donc être d'obtenir ces ressources en menant une politique dirigiste et protectionniste dans le but de contrôler les activités économiques du pays.  François Perroux (1903-1987) fonde, en janvier 1944, l’Institut de sciences économiques appliquées  où il vulgarise  les thèses de Schumpeter et de Keynes, Selon Perroux l'investi dans la mise au point de la comptabilité nationale l'État un rôle essentiel d'arbitre pour articuler trois flux de base « Les flux des opérations marchandes../ celui des opérations publiques et des transferts sociaux ».  la chaire d'analyse des faits économiques et sociaux du Collège de France en décembre 1955//inscrit dans la même tradition colbertiste,  Roger Guesnerie, a commencé ma vie professionnelle en travaillant pour le Commissariat du Plan. spécialiste de l’économie publique notamment du calcul économique public et des questions de l’assurance sociale et de la redistribution. S'il montre que le marché est un mécanisme irremplaçable, ses travaux ont régulièrement pointé ses nombreuses limites et défaillances"il est difficile de croire que le marché constitue la clé de tous nos problèmes "  Professeur au Collège de France depuis 2000 / interdisciplinarité, mener des travaux en commun entre économistes et sociologues, par exemple. Esther Duflo née en 1972 détient la première chaire internationale « Savoirs contre la pauvreté »  Dans sa leçon inaugurale au Collège de France en 2009,  défend l'économie de terrain contre les faux remèdes à la misère.


Econométrie et libéralisme

L'économétrie est une branche de la science économique qui a pour objectif d'estimer et de tester les modèles économiques/ en tant que discipline naît dans les années 1930  se focalise essentiellement sur deux l'identification et l'estimation statistique des données économiques / le polytechnicien  Edmond Malinvaud (1923-2015) , chef de file des économètres Malinvaud a marqué la place de l'analyse mathématique dans la science économique en général,    Ancien élève de l'École polytechnique (Promotion X1942), puis École d'application de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), où il suit les cours de Maurice Allais /  Professeur au Collège de France de 1988 à 1993, titulaire de la chaire d'analyse économique. /EVOLUTION LIBERAL  "La comptabilité nationale n'est pas un cadre suffisant pour la réflexion économique" (Le Monde 30 janvier 1988)    / monétariste néo libéralisme  EUROPE. (Le Monde Publié le 28 octobre 1997)  L'euro sera l'un des piliers d'une cohésion nouvelle. C'est un acte de confiance dans l'avenir, un facteur d'espérance et d'optimisme, qui permettra à l'Europe de mieux affirmer sa destinée et d'entrer de plain-pied dans un XXIe siècle fondé sur la paix et la liberté.



Sciences humaines et sciences sociales



Existentialisme et phénomènologie

Aux lendemains de la Seconde mondiale, le Collège de France tient un rôle majeur dans l'essor de deux grands courants de la pensée philosophique, l'existentialisme et le structuralisme renforcent/ contribuent au magistère du Collège de France dans le seteur des sciences humaines et sociales. Inspiré de la phénoménologie d'Edmund Husserl, l'existentialisme considère que l'être humain forme l'essence de sa vie par ses propres actions, indépendamment de toute doctrine théologique, philosophique ou morale, considèrant chaque individu comme un être unique, maître de ses actes, de son destin et de ses valeurs, ce que Jean-Paul Sartre résume dans sa célèbre formule « l'existence précède l'essence ». Son condisciple et ami à Normale sup., Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) est élu à la chaire de philosophie du Collège en 1952. Membre du comité directeur de la revue 'Les Temps modernes' de sa fondation en 1945 jusqu'en 1952, l'année de sa rupture avec Sartre qui, à l'époque de la guerre de Corée, s'était permis de publier son article 'Les Communistes et la paix' sans prévenir quiconque. A la leçon inaugurale de Merleau-Ponty, une foule de jeunes qu'on appelait alors existentialiste envahit la vieille maison, la philosophie nouvelle entre dans l'institution, pour "appréhender la réalité telle qu'elle se donne à travers l’expérience du vécu". Sartre aurait il pu lui aussi entrer dans la noble institution? Merleau a rappelé comment accepter cette perspective aurait aliéné sa liberté : «Claude Lévi-Strauss avait insisté pour que Sartre voulût bien accepter une chaire au Collège de France, aux conditions qui seraient les siennes.../ Par exemple s'il voulait parler trois heures d'affilée.../ Je demandais à Sartre les raisons de son refus. "Je me souviens de l'enseignement de Bergson, avec les dames du seizième arrondissement aux premiers rangs" argument que je récusais aisément, lui promettant un parterre de sidérurgistes. Alors, plus authentiquement je crois : "je ne tenais pas à enseigner… ou alors à des petits, à des sixièmes…"  Nostalgie de la paternité ? Je lui promis d'intervenir auprès du ministre de l'Éducation nationale pour lui obtenir des petites classes à la rentrée suivante» ('Sartre, Merleau-Ponty : Les lettres d'une rupture', dans Maurice Merleau-Ponty, Parcours deux, 1951-1961', Verdier, 2000). Que Sartre ait été plus idéaliste que Merleau-Ponty est indiscutable, reste que la contradiction inhérente à son individualisme philosophique et à son rapprochement du collectivisme marxiste ait pénalisé sa postérité intellectuelle.


Structuralisme et anthropologie

A l'inverse de l'existentialisme, le structuralisme a marqué toute la fin du XX° siècle intellectuel. Au début des années 1930, la méthodologie holiste, globalisante, dans les sciences humaines a été introduite dans son enseignement au Collège de France par Marcel Mauss (1872-1950). Mais il revient à l'anthropologue Claude Lévi-Strauss (1908-2009), à partir de son expérience de terrain auprès des populations indiennes du Brésil, d'avoir traité chaque phénomène collectif comme un tout non réductible à la somme de ses parties. La publication de 'Tristes tropiques' en 1955 contribue à populariser l'anthropologie structurale, "(une) méthode, explique t-il, (qui) revient à postuler une analogie de structure entre divers ordres de faits sociaux et le langage, qui constitue le fait social par excellence".  Nommé professeur du Collège de France en 1960 à la chaire d'anthropologie sociale, Claude Lévy-Strauss publie  les quatre volumes des 'Mythologiques'entre 1964 et 1971 où il confronte des cultures a priori sans contacts, les mythes amérindiens avec ceux du Japon par exemple, pour ouvrir de fascinantes perspectives philosophiques, "peu  de  savants se sont aventurés aussi loin que (lui) dans l'exploration des mécanismes cachés de la  culture, écrit Roger-Paul Droit. Par des voies diverses et convergentes, il s'est efforcé de comprendre cette grande machine symbolique qui rassemble tous les plans, de la vie humaine, de la famille aux croyances religieuses, des oeuvres d'art aux manières de table. Le paradoxe des très grandes œuvres, celles qui sont vraiment décisives et novatrices, est de pouvoir se caractériser en peu de mots. Ainsi pourrait-on dire qu'il déchiffra le solfège de l'esprit". Elu au Collège de France en 1949 à la chaire des civilisations indo-européennes, Georges Dumézil (1898-1986),  féru dans la même veine de de perspectives structurales, découvre le lien qui explique la parenté formelle entre les noms latin et sanscrit donnés au prêtre, 'flamen' et 'braman', ce dont il conclut que toute société s'organise autour de la trilogie travail - guerre - sacré. Le structuralisme a aussi gagné le champ littéraire avec Roland Barthes (1915-1980), l'auteur du ' Degré zéro de l'écriture', entré au Collège de France en 1977 pour occuper la chaire de sémiologie littéraire. Ainsi, la structuralisme a exercé une forte influence sur la communauté intellectuelle, inspirant les philosophes Louis Althusser ou Jacques Derrida, voire Pierre Bourdieu ou Michel Foucault (cf. infra) comme la dernière génération de l’école des Annales.


Les Annales, Economies Sociétés Civilisations....

Comme dans d'autres domaines, en matière historique le Collège de France réagi contre l’inertie universitaire. L'histoire y est Incarnée par la fiigure de Lucien Febvre (1878 -1956) qui, battu lors de sa candidature à la Sorbonne, en 1933 dans son cours inaugural au Collège de France à la chaire d'histoire de la civilisation moderne, il instruit le procès sévère de l'école méthodique de l'universitaire Charles Seignobos qui privilégie les faits à la recherche de l'objectivité. L'histoire préconisée par Febvre n'est donc pas la description de quelque chose, mais l'explication de quelque chose. Et il légitime l'histoire comme une science sociale à part entière, celle des sociétés, de l'économie, autant que du politique et de la culture. « L'histoire que j'invoque dit-il est une histoire neuve, impérialiste et même révolutionnaire, capable pour se renouveler et s'achever de mettre à sac les richesses des autres sciences sociales, ses voisines... Une histoire capable d'extrapoler les détails, de dépasser l'érudition et de saisir le vivant, à ses risques et périls et dans ses plus grandes lignes de vérité". Dans cet esprit, il a fondé avec Marc Bloch les 'Annales d'histoire économique et sociale', mais en 1942 alors qu'il publie 'Le problème de l’incroyance au XVIe siècle : la religion de Rabelais', il sollicite de l’occupant la reparution des 'Annales'. Marc Bloch entré en résistance qui s'y oppose sera fusillé en 1944, ce qui vaudra à Lucien Febvre les critique de certains de ses collègues. Devenu titulaire de la chaire chaire d'histoire de la réforme et du protestantisme à l'École pratique des hautes études en 1947, il y a installe la VIe section (sciences économiques et sociales)  avant de passer la main à son disciple Fernand Braudel.


...et l'Ecole des hautes études en sciences sociales

 Fernand Braudel (1902-1985)  a écrit  sa thèse sur 'La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II' dans un camp de prisonniers où il ne disposait d'aucune note.  Protégé de Braudel, il est élu en 1949 à la chaire de civilisation moderne du Collège de France,  "une machine à mettre un savant ou un intellectuel au-dessus de lui-même" dit-il. Dans la filiation intellectuelle des 'Annales', en 1958 il expose sa stratégie d'unification des sciences humaines dans un article célèbre, 'Histoire et Sciences sociales' où il évoque la pertience de l'histoire de la longue durée en réaction à l'anthropologie sturcturale de Lévi-Strauss, tout en réfutant le temps bref, l'évènementiel, comme un élément de division des sciences humaines. En 1962 Braudel transforme la VI° section de l'EPHE en Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) logée à la Maison des sciences de l'homme créée grâce au soutien de la fondation Rockefeller. Il inspirera quelques années plus tard  l'ouverture  d'un département des sciences humains et sociales (SHS)du CNRS. Il est chahuté lors des évènements de 1968, tandis que l'école des Annales, victime de son expansionisme, redevient un centre de recherches parmi d'autres. Mais à l'EHESS, une nouvelle génération de professeurs du Collège de France assure la continuité, avec l'helléniste Jean-Pierre Vernant (1914-2007), le médiéviste Georges Duby (1919-1996), l'auteur du 'Temps des cathédrales' spécialiste de l'histoire des mentalités collectives ou Emmanuel Le Roy Ladurie, un pionnier de l'analyse micro-historique dont l'œuvre la plus connue porte sur la vie quotidienne à  ‘Montaillou, village occitan’ à l'époque du catharisme. 


Le Collège fin de siècle


Entre structuralisme et libéralisme le prestige intellectuel du CdF atteint certains sommets dans les dernières décennies du XX° siècle / /  /  

Raymond Aron (1905-1983) En 1947, en désaccord avec Sartre, Raymond Aron quitte la rédaction des 'Temps modernes' et rejoint 'Le Figaro' comme éditorialiste, poste qu'il occupe jusqu'en 1977. Alors qu'ils étaient amis dans leur jeunesse, ils se brouillent à partir de 1947, lors d'un débat radiophonique où Sartre compare de Gaulle à Hitler.  il devient lors de la montée des totalitarismes un ardent promoteur du libéralisme, à contre-courant du milieu intellectuel pacifiste et de gauche qui dominait. Il dénonce ainsi dans son ouvrage le plus célèbre 'L'Opium des intellectuels' l'aveuglement et la bienveillance des intellectuels à l'égard des régimes communistes. Elu au Collège de France en 1970 / Raymond Aron fait de Bourdieu le secrétaire du Centre de sociologie européenne, institution de recherche qu'il a fondée une dizaine d'années plus tôt.  

À  l'issue des événements de Mai 68 Pierre Bourdieu (1930 -2002) rompt avec son maître Raymond Aron. En 1975, /l crée, notamment avec le soutien de Fernand Braudel, la revue Actes de la recherche en sciences sociales, qu'il dirige jusqu'à sa mort et en 1981, grâce à l'appui du normalien diplomate André Miquel (1929-2022), il entre au Collège de France/   l’un des acteurs majeurs de la vie intellectuelle française. Sa pensée a exercé une influence considérable dans les sciences humaines et sociales, en particulier sur la sociologie française d’après-guerre. / //Deux concepts 'champ' et 'habitus' /  Pierre Bourdieu insiste sur l’importance de la lutte et du conflit dans le fonctionnement d’une société. Mais pour lui, mais à l'inverse de Marx ces conflits s’opèrent avant tout dans des champs et pas dans des classes sociales . Ils trouvent leur origine dans leurs hiérarchies respectives, et sont fondés sur l’opposition entre  dominants et  dominés. /Son œuvre sociologique s'appuie sur une analyse des mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales /  HABITUS Par le concept d’habitus, Bourdieu vise à penser le lien entre socialisation et actions des individus.  / /  postérité  d'une méthodologie sur le plan intellectuel 'homo academicus'  Cristophe Charles  et  'homo medicus' Patrice Pinell //// Mais qui montre ses limites dans l'action politique .  En 1984 Réforme de l'Enseignement supérieur MITTERRAND DEMANDE AU COLLÈGE DE France DE RÉFLÉCHIR SUR " L'ENSEIGNEMENT DE L'AVENIR J P Chevènement " n'est pas en désaccord  mais " à condition qu'elle ne débouche pas sur une concurrence sauvage ".  Le PCF exprime " les plus extrêmes réserves " feraient peser des risques graves sur l'avenir du service public et sur la démocratie elle-même ".  //  Cet échec provoque peut être la radicalisation :  La sociologie comme sport de combat. Radicalisation militante des années 1990 MILITANT ENTRETIEN DE P B Par ROGER POL DROIT,THOMAS FERENCZI Publié le 14 janvier 1992 « Je pense que la main gauche de l'Etat a le sentiment que la main droite ne sait plus ou, pis, ne veut plus vraiment ce que fait la main gauche ». En tout cas, elle ne veut pas en payer le prix. conduite d'autant plus stupéfiante ou scandaleuse, au moins pour certains d'entre eux, qu'il s'agit d'un Etat socialiste dont on pourrait attendre au moins qu'il se fasse le garant du service public comme service ouvert et offert à tous, sans distinction... /  Lors du mouvement de novembre-décembre 1995, il prend position en faveur des grévistes et prononce notamment un discours à la Gare de Lyon le 12 décembre, dans lequel il critique la « destruction d'une civilisation », à savoir le démantèlement de l'état social ///   Contestation des positions bourdieusiennes /  , Ses détracteurs - comme Alain Finkielkraut, dans la 'Défaite de la pensée' -reprochent en général à Pierre Bourdieu d'exagérer le poids des structures, de méconnaitre le rôle des individus, de privilégier une vision "objectiviste" de la société/  Bruno Latour a remis en question la posture surplombante adoptée par Bourdieu et les sociologues critiques, les acteurs sociaux étant considérés selon lui comme de simples informateurs dépourvus de réflexivité.   « Esprit » contre Bourdieu Par GERARD COURTOIS Publié le 24 juillet 1998  Ce qui est en jeu, à leurs yeux, n'est pas une « stratégie de contradiction politique », mais une volonté de « caporalisation de la vie intellectuelle » qui ne dédaigne pas, en outre, « les bénéfices narcissiques de la radicalité ».

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LA TENTATION postmoderne entre au Collège de France au lendemain des événements de 1968, le normalien Michel Foucault (1926 - 1984) est de la même génération que Bourdieu,  Jean Hyppolite (1907-1968), alors son professeur au Lycée Henri-IV, qu'il trouve fulgurant et génial, l'éblouit. Il ne cessera de proclamer sa dette à ce grand connaisseur de Hegel, à qui il succédera au Collège de France ; en 1975, il affirme même qu'il lui « doit tout »[18] ////   La philosophie postmoderne désigne un ensemble d'études critiques menées entre les années 1950 et les années 1970 voire 1980, qui rejettent en partie les tendances universalistes et rationalistes de la philosophie des temps modernes, ou cherchent à s'en distancer pour mieux les analyser. Les travaux qualifiés de postmodernes rompent en général avec le règne du sujet et de la raison, et les traditions philosophiques et idéologiques européennes héritées du Siècle des Lumières, comme la quête d'un système rationnel universel qu'on trouve dans le kantisme ou l'hégélianisme. C'est dans ce sens que Jacques Derrida s'est proposé de déconstruire ce qu'il appelle le « logocentrisme », c'est-à-dire le primat de la raison sur tout ce qui est « irrationnel », la raison s'arrogeant d'habitude le droit de définir ce qu'est l'« irrationalité » et de la rejeter Ce logocentrisme se double, toujours selon Derrida, d'un « ethnocentrisme » (primat non seulement de la raison, mais aussi de la raison « occidentale »). ////   le post modernisme de Foucault  rompt avec la doxa marxiste qui déécrit une société dominée par l'Etat capitaliste Louis Althusser. le pouvoir est omniprésent et non limité à l'Etat ///

Pour FOUCAULT ce qui caractérise nos sociétés ce n'est pas l'omniprésence du pouvoir et sa vigilence envers la transgression , mais au contraire la valorisation instinctive de la déviance et de l'altérité ///  1961, , « thèse principale » et intitulée Folie et déraison : histoire de la folie à l'âge classique, dont l'un des rapporteurs est Georges Canguilhem / s'intéresse à l'épistémologie de la médecine et publie en 1963 Naissance de la clinique : une archéologie du regard médical (dont le manuscrit était achevé en novembre 1961[34])  /  1966, Foucault publie 'Les Mots et les Choses',  qui connaît immédiatement un immense succès.  perçus comme la nouvelle vague de penseurs prêts à renverser l'existentialisme et l'intellectuel total incarné de Sartre  /  Foucault nie non seulement l'existence d'un savoir fiable à propos de la réalité, mais la stabilité même de toute réalité, selon son expression pas toujours très claire : "savoir dans quelle mesure le travail de penser sa propre histoire peut affranchir la pensée de ce qu'elle pense silencieusement et lui permettre de penser autrement".  ///////    En novembre 1969,  élu au  Collège de France,à la chaire d’Histoire des systèmes de pensée dont Jean Lacouture rend compte dans un 'Éloge du discours interdit', "Face à un public déjà complice et qui va se laisser enchanter, ou déjà rétif et prêt à se cabrer, s'avance un personnage glabre, au teint d'ivoire, avec du bouddhiste dans le style, du méphistophélique dans l'œil, et que la gravité de l'instant ne détourne pas d'une irrépressible ironie. Il se plie à la cérémonie initiatique avec l'aisance d'un diacre des temps d'hérésie  //  clore le sien par un hommage à trois de ses maîtres : Dumezil, Canguilhem et Jean Hyppolite, son prédécesseur et grand électeur en ces lieux. On ne pouvait s'acquitter de cette tâche d'un ton plus chaleureux et, pour le coup, ce quelque chose d'un peu diabolique qui brûle dans son discours scintillant parut se fondre dans une harmonie fugitive./ " ///    Son cours au CdF :   Foucault, généalogie du « bio-pouvoir »  /   le concept traditionnel de pouvoir est trop massif pour être opérationnel. Le pouvoir ne se réduit ni à la souveraineté étatique, Foucault, généalogie du « bio-pouvoir »  /   le concept traditionnel de pouvoir est trop massif pour être opérationnel. Le pouvoir ne se réduit ni à la souveraineté étatique, comme le croyait Hobbes, ni à la simple traduction juridique de l'exploitation économique, comme le voulait Marx. / émergence d'un « bio-pouvoir » concept élaboré pour la première fois dans la leçon du 17 mars 1976 (point culminant du cours), afin de désigner ce qui restera désormais, pour Foucault, l'une des plus grandes innovations du XIXe siècle. / A partir du XIXe siècle, en revanche, le bio-pouvoir s'intéresse aux « populations » en général, et vise à réguler au mieux les grands flux biologiques (natalité, maladies endémiques, vieillesse, mortalité), afin d'optimiser la gestion des forces sociales. ///  Au tournant des années 1980, à la recherche d'une alternative aux idéologies socialistes, Foucault se rapproche de la deuxième gauche française rapprochement de Foucault avec le néolibéralisme. /(Se) conduire, (se) gouverner : éthique et politique Les éditions Gallimard et Le Seuil ont entrepris la publication intégrale (sous la direction de François Ewald et d'Alessandro Fontana) du cours prononcé au Collège de France, de 1971 à sa mort, /

HYMNE A LA LIBERTE TESTAMENT INTELLECTUEL du CdF A LA FIN DU XX SIECLE,
extraits du cours prononcé le 17 février 1982 Par PAR MICHEL FOUCAULT Publié le 23 mars 2001 Bref, on arrive à cette notion qui vient donner un contenu nouveau au vieil impératif « se soucier de soi » / le libéralisme, dans la mesure même où il est une culture de la liberté, est aussi une culture de la protection Par MICHEL FOUCAULTPublié le 07 mai 1999 : "il ne faut pas considérer que la liberté, ça soit un universel qui présenterait à travers le temps un accomplissement progressif ou des variations quantitatives ou des amputations plus ou moins graves, des occultations plus ou moins importantes. Ce n'est pas un universel qui se particulariserait avec le temps et avec la géographie. …/ Le libéralisme au sens où je l'entends, ce libéralisme que l'on peut caractériser comme le nouvel art de gouverner formé au XVIIIe siècle implique en son coeur un rapport de production/destruction par rapport à la liberté (...). Il faut, d'une main, produire la liberté, mais ce geste même implique que, de l'autre, on établisse des limitations, des contrôles, des coercitions, des obligations appuyées sur des menaces, etc. (...) Donc la liberté, dans le régime du libéralisme n'est pas une donnée, la liberté n'est pas une région toute faite qu'on aurait à respecter, ou si elle l'est, ce ne l'est que partiellement, régionalement, dans tel ou tel cas, etc. La liberté, c'est quelque chose qui se fabrique à chaque instant.


Bibliographie


Guillaume Du Val, Le Collège royal de France, ov Institvtion, establissement et catalogue dés lecteurs et professeurs ordinaires du roy, fondez à Paris par le grand roy François I père des lettres et autres roys ses successeurs jusques à Louys XIV, chez Mace Bovillette, Paris, 1644 (lire en ligne)
Claude-Pierre Goujet :
Mémoire historique et littéraire sur le Collège royal de France, tome 1, chez Auguste-Martin Lottin, Paris, 1758 (lire en ligne)
Mémoire historique et littéraire sur le Collège royal de France, tome 2, chez Auguste-Martin Lottin, Paris, 1758 (lire en ligne)
Mémoire historique et littéraire sur le Collège royal de France, tome 3, chez Auguste-Martin Lottin, Paris, 1758 (lire en ligne)
Christophe Charle, Eva Telkes, Les professeurs du Collège de France, Collection « Histoire biographique de l'enseignement », INRP, 1988.
Antoine Compagnon, Pierre Corvol et John Scheid, Le Collège de France. Cinq siècles de libre recherche, Gallimard, 2015.
Wolf Feuerhahn (dir.), La politique des chaires au Collège de France, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Docet omnia », 2017 (ISBN 978-2-251-90669-0, lire en ligne)
Marc Fumaroli (dir.), Les origines du Collège de France (1500-1650), Paris, Klincksieck, 1998 (ISBN 2-252-03217-0)
Jean-Claude Pecker, L'astronomie au Collège de France (xvie siècle-xixe siècle), dans La Lettre du Collège de France, juin 2008, no 23, p. 50-56 (lire en ligne)

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