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Pourriez vous nous expliquer l'origine du terme d'économétrie ?
A l'origine, il y avait des ambiguïtés sur l'usage de ce terme, mais
elles ont disparu par la suite. Elles provenaient de la position de
l'économie mathématique à l'extérieur des facultés de droit. L'usage
s'est répandu d'appeler économétre tout homme qui faisait de l'économie
avec des mathématiques ou des instruments quantitatifs. En fait,
étymologiquement, le terme est plus étroit. Il devrait désigner
simplement la mesure des phénomènes économiques et donc l'étude de ce
que l'on peut conclure à partir des données. Par exemple, Maurice
Allais n'était pas un économétre au sens de quelqu'un qui travaille sur
des statistiques pour étudier des méthodes d'induction. Il a, à
l'occasion, utilisé des statistiques et il a fait du travail dessus,
mais c'était la théorie économique qui l'intéressait.
Il y avait une société d'économétrie aux Etats-Unis dans l'entre-deux-guerres
C'était une société internationale dans laquelle Irving
Fisher, un économiste américain a joué un rôle important dans sa
création. Mais il y a aussi Ragnar Frisch, un norvégien qui a joué un
grand rôle. Il a été l'éditeur pendant de nombreuses années de la
'Revue de la société d'économétrie'.
Dans cette période de l'après-guerre, la recherche
opérationnelle est-elle apparue comme un univers de réflexion
intellectuel particulier qui est venu se greffer sur les mathématiques
appliquées à l'économie ?
Cela s'est développé au début
presque à l'intérieur de la chapelle des économétres. Jacques Lesourne
a tout de suite été très intéressé, il était tout à la fois économiste,
mathématicien et chercheur opérationnel. Et il n'était pas le seul.
C'est une idée qui venait en partie d'outre Atlantique. La théorie des
jeux, qui était en partie française, Borel, s'est trouvée très liée au
développement de la recherche opérationnelle. Au début, c'était très
voisin et puis il y a eu dans la recherche opérationnelle un aspect
publicitaire et commercial qui a créé une espèce de divergence. Les
gens ont choisis entre faire des affaires et faire de la science. Il y
a eu un moment où la recherche opérationnelle se considérait tellement
comme en flèche qu'elle voulait tout coiffer. Et les autres ont
continué à faire leur travail de leur côté.
Quel a été l'apport de la recherche opérationnelle à l'économétrie ?
La recherche opérationnelle est née de la théorie des jeux qui avait
été développée dans le cadre de l'économie mathématique, la
programmation linéaire également pour des questions d'utilisations des
ressources. Elle était les deux points de départ de la recherche
opérationnelle. A certains égards, il s'agissait plutot d'une
excroissance.
Dans quelles circonstances l'économétrie s'est elle installée au CNRS ?
Le mathématicien normalien Georges Darmois a été l'homme clé
dans cette affaire. C'était un homme charmant, mais aussi bien sur
le plan scientifique qu'en ce qui concerne son rôle d'animateur, il
écrivait très peu. Il est clair qu'un certain nombre d'hommes qui
ont participé à ce regroupement d'intérêts autours de l'économétrie,
étaient extérieurs à l'Enseignement supérieur. C'est le cas des
ingénieurs économistes, du polytechnicien Maurice Allais bien sur,
comme c'était aussi mon cas. Mais il y avait aussi des normaliens.
Georges Darmois était un homme de contacts qui faisait autorité. Je
crois bien, mais sans en être tout à fait sur, qu'il lui revient
d'avoir orienté Gérard Debreu et Marcel Boiteux vers l'économétrie,
tous deux élèves à l'ENS. Ils ont été en même temps élèves de Maurice
Allais qui avait par ailleurs un petit groupe d'étudiants autours de
lui, auquel j'ai moi même participé. Ce groupe était très vivant et
très actif, surtout entre 1948 et 1950. Allais a lui aussi joué un rôle
essentiel dans cette affaire. Il était très stimulant à l'époque, mais
plus tard il a commencé à travailler de façon beaucoup plus isolée. Il
avait autour de lui quelques élèves ou chercheurs, en même temps qu'il
organisait d'ailleurs des choses extérieures au CNRS. Il y a donc eu
trois séminaires d'économétrie : le séminaire de Gustave Malécot qui je
crois à toujours été à Lyon, celui de Maurice Allais et celui de René
Roy. Les deux premiers ont été supprimés vers 1960 je suppose. En 1964,
le CNRS a décidé que Roy avait atteint l'âge de la
retraite. Il a donc fallu lui trouver un successeur et j'ai accepté
cette fonction qui correspondant assez bien à ce que je pensais devoir
faire. En fait, c'est évidemment René Roy qui a continué à le diriger
et on peut dire que jusqu'à sa mort, il a été présent. La passation
s'est faite progressivement en ce qui concerne l'autorité
intellectuelle. Pour le séminaire de Malécot, je ne sais pas très bien,
tout d'abord cela se passait à Lyon et lui-même n'était économètre que
marginalement puisqu'il était plutôt probabiliste et l'on sait qu'il
s'intéressait à la génétique. En ce qui concerne le séminaire d'Allais,
je sais qu'il avait perdu beaucoup de son rayonnement intellectuel pour
des tas de raisons. Il avait décidé de s'intéresser à la physique.
C'est un homme qui est somme toute très personnel. Son séminaire a
perdu de la vitalité et un jour le CNRS a décidé de cesser de le
soutenir. Alors que le séminaire Roy, lui, a continué à travers toutes
ces années.
Pourquoi ces séminaires ne se sont-ils pas installés à l'Institut de statistique ?
Je ne saurais le dire. C'était peut-être une question de moyens à moins
qu'il n'y ait eu la préoccupation de Darmois d'impliquer davantage de
monde que si cela avait été purement statistique...
Mais on voit se monter parallèlement l'école d'application de l'INSEE...
Là, je peux vous dire comment cela s'est fait. L'école d'application de
l'INSEE a été créée en 1941 ou 1942 conjointement par Georges Darmois
et par Carmille qui était le directeur de l'INSEE à l'époque. Les
textes de l'époque montrent bien que Carmille avait envisagé celle-ci
comme le noyau d'un grande école à spécialisation statistique et
économique. Darmois était un homme qui avait énormément de surface et
qui s'intéressait à beaucoup de choses pour le développement des
mathématiques appliquées en général. Je ne suis pas sur qu'il ait conçu
la création des séminaires d'économétrie par exemple et celle de
l'Ecole d'Application de l'INSEE comme ayant des liens.
Pourtant le projet intellectuel était assez proche
Pas tout à fait, en réalité. L'Ecole d'application a insisté
dès l'origine sur une formation économique à côté de la formation
statistique. Malgré tout, la formation première était statistique. Les
séminaires d'économétrie avaient une préoccupation de recherche et non
de formation. C'était autre chose. Bien sur, des élèves de l'Ecole
d'application ou de l'ISUP pouvaient être attirés par les séminaires
d'économétrie.
Néanmoins, le terme de centre de recherche d'économétrie a disparu très vite
D'abord, il n'y avait pas de moyens de recherche permanents.
Les séminaires d'économétrie ont fonctionné avec très peu de moyens et
cela s'est étiolé avec le temps. J'ai vu les crédits du CNRS rognés
progressivement durant les années où je m'en suis occupé. Je pense que
l'affaire ne correspondait plus à la politique générale du CNRS,
notamment la pratique de saupoudrage de crédits pour rémunérer des gens
un peu à droite ou à gauche. Par exemple, Roy était rémunéré comme
directeur du séminaire, mais quand j'ai pris la suite, on a supprimé
celle-ci. Il s'agissait de suppléments de rémunération : le principal
de celle de Roy était attachée à ses fonctions d'inspecteur des Ponts
et Chaussées et moi, j'avais la mienne à l'INSEE. En fait, le séminaire
n'avait absolument pas le statut de laboratoire, il n'y avait même pas
de chercheurs permanents. Il n'y avait que des gens qui profitaient du
séminaire pour présenter les travaux qu'ils faisaient généralement à
titre individuel et indépendant et cela a continué a fonctionner ainsi.
Quelle était l'audience du séminaire d'économétrie ?
En fait, il y venait des gens qui s'intéressaient aux questions de
réflexions ou de recherches économiques, quantitatives et
méthodologiques et qui voulaient soumettre leurs travaux à la critique
d'autrui. Il y avait aussi des assistants qui venaient apprendre. Et
puis, il y a toujours eu un certain nombre de visiteurs étrangers.
Vous aviez aussi des contacts avec certains dirigeants des
grandes entreprises publiques, on pense à Pierre Massé l'un des
directeurs d'EDF, devenu ensuite commissaire au Plan
Cela s'explique pour deux raisons. Massé était un homme qui avait un
souci de réflexion à long terme, de culture et de recherche.
Deuxièmement, je suppose que quand on faisait les rapports d'activité
du séminaire du CNRS, on était content de montrer que quelqu'un qui
avait son standing était actif. Cela contribuait à mettre le séminaire
en relief. Massé est un homme qui a choisi assez jeune d'être plutôt
dans l'industrie que dans la recherche, mais il n'a jamais complètement
abandonné cette préoccupation de recherche. En fait, il a créé, avec
d'autres bien sur, la programmation dynamique, une technique de
mathématiques appliquées qu'il a développé pour la gestion des barrages
dans le cadre d'EDF.Ensuite, vous savez qu'il est devenu commissaire au
Plan.
Massé avait-il des contacts avec Darmois ?
Bien sur, mais pas de façon particulière. Si Marcel Boiteux a été à
EDF, ce n'est pas par hasard. Je ne sais pas quelle était sa position
exacte mais je suppose que Boiteux et Debreu avaient une position de
chercheurs CNRS (ils étaient attachés de recherche)... et que leur
directeur de recherche était Darmois. Mais si Boiteux a été à EDF,
c'est Gabriel Dessus qui l'a fait venir et c'est parce qu'il y
avait à EDF un certain souci de rationalité économique partagé par
Dessus lui-même et par Massé.
C'était une pratique courante à l'époque de voir des industriels suivre ce séminaire ?
En fait, on les considérais qu'à moitié comme des industriels. C'était
des hommes aussi préoccupés par ce genre d'études et de réflexions. Il
s'est trouvé à la fin de la guerre un certain nombre d'hommes qui
avaient le souvenir plus ou moins anciens des problèmes économiques de
l'entre deux-guerres, de la guerre et de l'immédiat après guerre et qui
étaient donc des gens formés à la réflexion scientifique et intéressés
aux questions économiques. Ces gens se retrouvaient à cette occasion.
Il y avait aussi quelque choses de complètement extérieur au CNRS,
organisé par Maurice Allais. Il s'agissait de réunions dans un café sur
la place Saint Sulpice où il y avait une salle au premier étage qui
était réservée pour cet usage. On se réunissait le soir après dîner, il
y avait là une cinquantaine de personnes et on avait des discussions
très animées sur beaucoup de sujets. Cela a duré environ deux ou trois
ans. Puis, Allais m'a poussé à aller aux Etats-Unis où je suis parti en
juin 1950, mais quand je suis rentré un an et demi après, c'était
fini.
Ils venaient tous du secteur public ?
En
grande majorité. Mais il y avait certainement des gens de la SEGOS, des
sociétés d'organisation qui se lançaient un peu à cette époque. Des
grandes entreprises privées? Je l'ignore, cela m'étonnerais qu'il n'y
en ait jamais eu, mais... Rueff venait de temps en temps. En fait,
c'était assez mélangé. Reste qu'à l'époque le secteur public était très
moteur dans l'économie française.
Pouvez-vous nous raconter comment vous même avez été amené à vous occuper du séminaire ?
Je faisais des études secondaires et à la fin de l'été 1940, j'ai eu à
choisir ce que j'allais faire. Mon père était avocat. J'étais bon en
mathématiques, pas d'ailleurs terriblement intéressé par elles et j'ai
donc été dans une classe préparatoire. Je suis rentré à Polytechnique.
Mais en même temps je m'étais inscrit à une licence de droit dont je
passais les épreuves de loin en loin quand j'avais le temps. C'est dans
ce cursus que j'ai découvert l'économie politique et cela est une
passion. J'avais été jeune dans la ville de Limoges qui avait pas mal
souffert de la crise, il y avait eu 1936, tout ce remue-ménage m'avait
interpellé. Je me suis donc intéressé à l'économie que j'ai travaillé à
partir de ce moment là comme un autodidacte en lisant ce qui me
tombaient sous la main. Je suivais quelques cours de temps en temps et
je passais les épreuves. Et puis, quand j'étais à l'Ecole d'application
en seconde année, j'ai eu Allais comme professeur. Il est arrivé dans
ma formation à un moment où j'avais déjà beaucoup travaillé, mais
j'avais besoin de mettre de l'ordre dans mes réflexions. Allais était
un esprit très organisé et il m'a beaucoup apporté. J'ai donc intégré
le groupe où il y avait Boiteux, Debreu. Le séminaire avait lieu à
l'Institut Poincarré. Ensuite, il s'est installé à l'ancienne halle aux
vins à Jussieu, d'abord sur la partie ancienne. A ce moment là, on a
donné un bureau à Roy, alors qu'avant il n'en avait pas. Le séminaire
est resté à Jussieu jusqu'il y a dizaine d'années quand on l'a divisé
en deux : une partie qui est l'économétrie au sens étroit et qui se
tient à l'INSEE avec à peu prés une douzaine de scéance par an et une
autre partie qui est l'économie mathématique qui se tient à l'Ecole des
ponts et chaussées. C'est toujours moi qui introduit les papiers mais
celui qui en a la responsabilité est Jean Michel Grandmont.
Le séminaire aurait-il pu devenir unité de recherche CNRS ?
Du côté du CNRS, on ne nous a fait aucune proposition. De mon côté,
j'ai eu pendant de nombreuses années d'autres activités et je ne
cherchais pas à m'en rajouter de nouvelles. Si on était venu m'apporter
quelque choses tout prêt, je n'aurais évidemment pas refusé. Et puis,
on avait créé entre-temps, à la fin des années 1950, ce qui s'est
d'abord appelé le CERMAP et cela ne servait à rien de multiplier les
centres. Il valait mieux au contraire les regrouper. En fait, il est
très difficile de savoir ce qui se serait passé s'il n'y avait
pas eu la création de ces séminaires. Il est certain que pour moi, ce
qui a été déterminant, c'est ma rencontre avec Allais. Il m'a obtenu
une bourse pour les Etats-Unis où j'ai été dans un centre de recherche
qui était tout à fait remarquable. Je dirais que le rôle du CNRS
a été celui d'un catalyseur. Cela a permis de rendre efficace
quelque chose qui se serait créé en tout état de cause mais peut-être
avec plus de difficultés. Si on fait le rapport coût-avantages, ça a
été une très bonne opération. Et puis, il ne faut pas oublier les
cahiers du séminaire d'économétrie qui étaient une publication en
français ; il y a eu un certain nombre d'étrangers qui ont pris la
peine d'écrire en français ou que nous avons traduits. Cela a été une
des très bonnes réalisations du centre d'économétrie avec également la
série des monographies, moins égales certes. Et puis il y a eu des
colloques. S'il n'y avait pas eu le centre d'économétrie, je ne suis
pas sûr que l'on aurait réussi à intéresser autant le milieu français.
Des étrangers sont venus en France à cause du séminaire : Radner y a
passé un an. L'attraction de la France était en partie liée à
l'existence de ces centres, de ces séminaires et de ces publications.
Je m'en rappelle de deux, l'un était sur les modèles dynamiques et
l'autre sur toute la théorie des choix en face de l'incertitude. Le
second au début 1952.
Quels étaient les liens du CNRS et de l'INSEE ?
J'ai fait ma carrière à l'INSEE et pendant tout le temps où je me suis
occupé du séminaire d'économétrie, je n'ai jamais considéré que je
représentais l'INSEE à l'intérieur du CNRS. J'avais deux chapeaux. Mais
je dois dire qu'en tant que directeur du séminaire d'économétrie du
CNRS, j'ai souvent pesté contre lui à cause de son administration. On
était une équipe toute petite, on avait de tous petits crédits dont il
fallait continuellement changer l'administration. Tous les deux ou
trois ans, il y avait un changement qu'évidemment on ne pouvait pas
maîtriser car on était trop petit. Lorsque j'ai dirigé l'INSEE, nous
avons eu une activité commune avec le CNRS, notamment quand on a créé
la DRES. Et cela s'est très bien passé à ce moment là. Les rapports
INSEE - CNRS n'ont pas été mauvais, donc c'est surtout en tant que
directeur de petite unité que j'ai eu quelques problèmes.
Au début, cette convergence d'un bon niveau en mathématiques et d'un intérêt pour l'économie était assez rare ?
Oui, mais cela s'est développé. De même à l'étranger. J'ai
rencontré des anglais qui avaient eu exactement la même orientation que
moi : formés aux mathématiques et s'étant intéressés aux questions
économiques.
Entre vous et l'économie traditionnelle, on a l'impression de deux mondes qui n'avaient guère de contacts
Quelques hommes faisaient le lien, Henri Guitton par exemple
s'intéressait à nos travaux. D'autre part, pour être tout à fait
complet, je dois dire que lorsque j'ai eu fait quelques travaux qui ont
été repérés sur le plan international dans les années 1950, quand j'ai
rencontré des universitaires français des facultés de droit, des
économistes, ils n'ont pas été déplaisants avec moi. Il y avait des
relations humaines, mais évidemment on travaillait dans deux mondes
assez différents.
Dans les années 1960, le cours de comptabilité nationale de
Jean Marchal à Assas était ressenti comme quelque choses de très
hétérogène à la fac de droit
Je l'avais eu comme
professeur à l'Ecole d'application de l'INSEE en 1946-1947 et j'avais
eu de bons contacts avec lui. Il venait de publier son petit ouvrage
sur le mécanisme des prix qui était une présentation de la théorie des
prix telle qu'elle existait à l'époque, essentiellement en utilisant
des graphiques plutôt que des systèmes d'équations, mais c'était
structurée. J'avais travaillé à l'occasion de ce cours sur un ou deux
points particuliers et il s'était intéressé à ce que je faisais. Donc,
il ne faut pas dire que c'était complètement noir du côté de l'économie
traditionnelle. Mais il est certain que des hommes comme Marchal et
Guitton étaient un petit peu à la marge du groupe. Le frère de Marchal,
André, faisait un cours de statistiques qui était abominable. A l'Ecole
d'application de l'INSEE, il y avait une licence de droit avec
options, le cours d'économie était obligatoire et un doctorat
d'économie, je crois. L'agrégation d'économie politique a être créée
plus tôt à l'université. A l'INSEE, nous n'étions que six dans ma
promotion. Mais il y avait des cours communs avec l'Institut de
statistiques de l'université de Paris. Tout ceci était très artisanal.
Mais les professeurs faisaient un bel effort. J'ai le souvenir de l'un
d'eux qui faisait devant nous s un numéro d'orateur comme s'il avait
parlé devant 300 personnes. Il préparait très bien ses cours. C'était
un monsieur d'un certain age et quand il avait fini son cours il
s'asseyait et nous demandait si son cours avait été bon. Dès les
débuts de la création de l'Ecole d'Application, cette idée qu'il devait
y avoir un enseignement était présente. Lorsque l'on est passé de un an
à deux pour la formation des administrateurs, on a gonflé la partie
économie. Pour moi qui ai été de la première promotion, j'ai eu un
certain nombre de cours d'économie. Ils tenaient une bonne place dans
le programme. Le cours d'Allais pouvait était très bon, mais, comme
beaucoup de chercheurs, il enseignait ce qui l'intéressait. Je l'ai
suivi au moment où il exposait ses conceptions théoriques qu'il
avait élaboré tout seul, mais qui couvrait bien l'ensemble du champ.
Par la suite, il s'est intéressé à d'autres sujets plus étroits et son
cours a moins intéressé les étudiants. Aussi, quand j'ai pris la
responsabilité de cette école, j'ai eu le souci de renforcer
l'enseignement économique. J'ai eu de très bons étudiants en économie
qui sont passés par l'Ecole de l'INSEE à la fin des années 1960.